vendredi 17 avril 2015

Exclusif - Rendez-vous secret à La Celle-Saint-Cloud

C'est au domicile de Jean-Marie Le Pen que s'est secrètement scellé l'accord entre le président d'honneur du FN et sa petite-fille, députée de Vaucluse. Récit.


Quand elle arrive dans la nouvelle maison de son grand-père à La Celle-Saint-Cloud, Marion Maréchal-Le Pen est aussitôt surprise par la décoration des lieux. Aux murs, des tableaux presque fashion, un mobilier moderne, loin des murs lézardés et des tableaux poussiéreux de Montretout. C'est la première fois que la jeune députée rend visite à son grand-père dans cette de meure où il a élu domicile après l'incendie de sa maison de Rueil-Malmaison et l'intermède de quelques semaines où Marine Le Pen l'avait hébergé.

Vendredi 10 avril. Depuis huit jours, le FN se déchire autour du "détail". Mais le tsunami né aux portes de Paris, dans les studios de BFM TV, voit ses secousses ébranler jusqu'à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Autodésigné tête de liste pour les élections régionales dans son fief du Sud, Jean-Marie Le Pen tenait bon, depuis plusieurs mois, face aux assauts répétés de l'entourage de sa fille pour le dissuader de partir au combat. Dans ce contexte, l'affaire du "détail" allume une mèche. Très vite, la question de la Paca revient au centre des discussions. Autour de Marine Le Pen, on craint que la bête traquée n'envisage une candidature dissidente qui ruinerait toute chance de victoire dans cette région où le FN nourrit de grands espoirs. Quand elle rend visite à son grand-père, Marion Maréchal-Le Pen vient négocier son retrait.

Quelques jours plus tôt, son père, Samuel Maréchal, ancien patron du Front national de la jeunesse et figure du parti jusque dans les années 2000, a sondé le patriarche au téléphone. Il l'a trouvé ouvert au dialogue. En effet, quand elle commence à discuter avec Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen le trouve étonnamment « calme ». Seuls dans la pièce, le grand-père et sa petitefille s'asseyent sur le canapé du salon. Un instant de tranquillité dans cette semaine de tumulte, et un des premiers moments de répit pour Jean-Marie Le Pen, qui vient de passer à la lessiveuse médiatique. Affectueusement, il pose sa main sur la cuisse de sa protégée.

Le président d'honneur du Front national, qui n'a jamais supporté les oukases médiatiques, prend la parole pour se justifier durant plus de vingt minutes sur le fond de l'affaire. Cette sortie chez Bourdin n'était « pas du tout calculée », jure-t-il. En revanche, il se dit « très surpris » par « la proportion et la rapidité des condamnations » à son égard. « La façon dont ça s'est passé est un peu bizarre », insiste-t-il. Il se dit aussi « meurtri » par les réactions de certains lieutenants « qui lui doivent tout », sans s'affirmer haineux ou revanchard pour autant. Par la dispute qu'il a eue avec sa fille Marine, aussi, il se dit « très blessé ».

Vient le cas de la région Paca. Sans mégoter, Jean-Marie Le Pen s'efface au profit de sa petite-fille, n'essayant pas d'imposer ses conditions. « Je ne partirai pas et je donnerai mon soutien à ta candidature. » Le guerrier ne livre pas combat. Marion Maréchal-LePen, qui s'attendait à marchander, à négocier âprement son indépendance, s'étonne d'obtenir si facilement la garantie d'une campagne « sans tutelle ». Elle comprend que Le Pen n'aurait jamais agi de la sorte pour quelqu'un d'autre...

Le Pen choisit une sortie « par le haut » et refuse de prendre le risque d'être mis en minorité au bureau politique qui doit statuer sur son cas, le 17 avril. Il refuse aussi de devenir le déclencheur d'une guerre interne. « Ce mouvement est la seule chance de salut des Français », explique-t-il, invoquant sa « notion du devoir ». « Heureusement la France, dit-il, est faite de rédemptions providentielles. Rien n'est jamais écrit. » Il cite le général MacArthur : « Trop tard. Deux mots qui expliquent tous les échecs : avoir su trop tard, avoir compris trop tard, avoir agi trop tard. » Les chiens de Jean-Marie Le Pen, des lévriers qui remplacent Sergent et Major, restés à Montretout, perturbent quelque peu la discussion.

Celle-ci dure à peine une heure trente. Le grand-père et sa petite-fille parlent de tout et de rien. « Je fais ce que je veux, je suis libre », lui lâche-t-il avant de la prévenir que sa campagne pour les régionales sera « extrêmement dure ». Marion Maréchal-Le Pen quitte son grand-père et va retrouver sa mère et des amis pour discuter politique et décompresser. Trois jours plus tard, son grand-père honore sa parole et annonce son retrait. Ce lundi 13 avril, la jeune députée attend quelques heures, le temps de choisir le média pour officialiser sa candidature.


Lejeune Geoffroy
Valeurs Actuelles, no. 4090 - Jeudi 16 avril 2015, p. 26
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