samedi 25 avril 2015

Japon: des visites à Yasukuni jettent une ombre sur le sommet Chine-Japon

Trois femmes ministres du gouvernement conservateur japonais ont visité jeudi le sanctuaire nationaliste Yasukuni à Tokyo, peu après un sommet entre le Premier ministre Shinzo Abe et le président chinois Xi Jinping censé apaiser les tensions entre les deux voisins.


La présidente de la Commission nationale de la sécurité publique, Eriko Yamatani, qui a rang de ministre, s'est rendue en début de matinée dans ce sanctuaire perçu par la Chine et la Corée du Sud comme un symbole du passé militariste du Japon.

Mme Yamatani a été suivie dans la journée par ses collègues Haruko Arimura, chargée des questions féminines, et Sanae Takaïchi (Affaires intérieures).

Réputées pour leur ultra-nationalisme et visiteuses assidues du Yasukuni, elles ont justifié leur geste par la volonté de "rendre hommage à ceux qui se sont battus et sacrifiés pour leur pays".

En réaction, la Chine a fustigé "une attitude erronée envers l'Histoire" et réitéré sa "vigoureuse opposition" à de telles visites.

"Nous exhortons le Japon à honorer sa promesse de réfléchir à son passé d'agressions et à traiter convenablement et de manière responsable ces questions", a réaffirmé le porte-parole des Affaires étrangères Hong Lei.

A Tokyo, le porte-parole du gouvernement Yoshihide Suga a souligné "le caractère personnel" des visites des trois ministres, prédisant qu'elles n'auraient pas d'impact sur les relations avec Pékin.

Selon l'agence de presse japonaise Jiji, M. Abe aurait exhorté ses ministres à ne pas se rendre au sanctuaire situé en plein coeur de la capitale.

A la grande colère des Chinois et des Coréens, il avait lui-même visité le sanctuaire en décembre 2013 pour fêter le premier anniversaire de son retour au pouvoir, ce qu'aucun chef de gouvernement japonais n'avait osé depuis 2006.

Mercredi déjà, une centaine de députés et sénateurs nippons avaient fait de même, à l'occasion du festival de Printemps, dans ce lieu de culte shintoïste où sont honorés 2,5 millions de morts pour la patrie. Y sont aussi enregistrés les noms de 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.

- Sommet 'très significatif' -

L'initiative des trois ministres de M. Abe a jeté une ombre sur le sommet sino-japonais qui s'est tenu mercredi soir en Indonésie en vue d'améliorer les relations bilatérales ternies par des rivalités territoriales et les antécédents impérialistes du Japon.

Xi Jinping et Shinzo Abe se sont entretenus pendant une trentaine de minutes en marge d'un sommet Asie-Afrique à Jakarta, pour la deuxième fois depuis leur prise de fonctions, selon un responsable nippon.

En se serrant la main avant leur discussion, les deux dirigeants ont semblé plus détendus que lors de leur première rencontre en novembre dernier en Chine.

"Ce fut une rencontre au sommet très significative", a affirmé M. Abe, cité par Jiji. "En poursuivant les échanges entre le Japon et la Chine, je veux m'assurer de la tendance à l'amélioration des relations bilatérales", a-t-il promis.

Toutefois, s'il a réitéré mercredi les "profonds remords" de son pays pour les crimes commis pendant le conflit mondial, le Premier ministre conservateur n'a toujours pas offert les "excuses sincères" attendues par ses voisins, à l'approche du 70e anniversaire de la défaite du Japon.

"J'espère que la partie japonaise prendra au sérieux les inquiétudes de ses voisins asiatiques", a souhaité le président Xi, cité par la télévision chinoise CCTV News.

- Pas de crise majeure -

Cependant, si, selon les analystes, les derniers pèlerinages au Yasukuni ont quelque peu terni les efforts de rapprochement entre le Japon et ses voisins, ils ne devraient pas déclencher de crise diplomatique majeure.

"Certes, il eût été préférable que des ministres, et que le Premier ministre lui-même, s'abstiennent de rendre leurs hommages", estime Masaru Ikei, spécialiste de l'histoire diplomatique du Japon.

Mais d'une part, M. Abe ne peut empêcher des ministres de se rendre au sanctuaire "à titre privé", et d'autre part il doit tenir compte de la base conservatrice de son camp.

"Il y a une répugnance extrême à faire des concessions chez les gens qui pensent que le Japon en fait déjà trop (sur les questions historiques)", explique à l'AFP M. Ikei.

Ce dernier juge néanmoins improbable que les récentes visites au Yasukuni "provoquent de sérieux dégâts" tant il est vrai que les relations avec la Chine "sont fraîches politiquement mais chaudes au plan économique".

Les liens du Japon avec ses voisins restent empoisonnés par le souvenir des atrocités commises par les troupes impériales pendant la colonisation de la péninsule coréenne (1910-1945) et lors de l'occupation partielle de la Chine (1931-1945).

Outre ces querelles historiques, des disputes territoriales perdurent et sont régulièrement ravivées d'un côté ou de l'autre.

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