LÉGENDES :
1 -Zone industrielle à Hepingcun. Ils sont 200 millions de travailleurs à migrer vers ces terres promises pour contribuer au "miracle économique chinois"
2 - Zone industrielle à louer...
3 - 75% des jouets vendus à Noël ont été produits en Chine. Par des "mingongs" quelques 200 millions de travailleurs venus des zones rurales du pays pour travailler dans des usines situées sur la côte. Une main d'oeuvre eu chère, dépourvue de couverture sociale, sans accès à l'éducation pour les enfants... mais qui travaillent 12 heures par jour, 7 jour sur 7 pour un salaire mensuel de 30 euros.
4 - Quitter la campagne pour rejoindre la ville. C'est le lot des 200 millions de Chinois qui viennent grossir les rangs des usines côtières. Le trajet peut prendre 30 à 40 heures, et pour l'entreprendre, même en quatrième classe, certains empruntent de l'argent. Les trois premiers salaires ne leur serviront qu'à rembourser cette dette.
5 - Il est 23 heures, les ouvriers sortent de l'usine. La zone industrielle de Hepingcun n'existait pas il y a deux ans et regroupe aujourd'hui 200 000 ouvriers. La plupart d'entre eux sont des femmes de 16 à 25 ans, considérées comme plus dociles.
6 - L'usine de Mingshen produit des jouets pour des grandes marques comme Disney, Spiderman, Mattel, Barbie...
7 - Ceux qui sont peints à la main sont dangereux pour les ouvriers qui travaillent sans masque, ni gants, au milieu des solvants et sans vantilation. Si un ouvrier s'évanouit, le temps passé sans travailler est déduit de son salaire et il doit payer les soins médicaux.
8 - L'une de ces petites chaussures coûte ce qu'un ouvrier gagne en une journée entière. Ils en produisent des miliers.
9 - Les dortoires des usines de Ming Sheng comptent 12 lits pour 20 mètres carrés, une douche et deux toilettes pour 50 personnes. Les ouvriers paient le lit, l'eau, l'électricité pour occuper ces dortoirs qui sont en réalité leur logement obligatoire : les usines n'apprécient pas qu'ils se dispersent et s'éloignent.
10 - Xiao Liu et Min Min. "C'est trop fatigant et ça ne paie pas assez" Les usines ne paient jamais le premier mois et ne versent jamais de "solde de tous comptes" en cas de départ. Beaucoup d'ouvriers sont ainsi condamnés à rester dans ces entreprises.
11 - Li Dan a promis à ses parents "d'économiser, mais je n'y arrive pas. Et je ne peux pas rentrer à la maison avant d'avoir assez d'argent". Ici, les contremaîtres vous punissent pour rien et réduisent votre salaire. On ne peut jamais se reposer.
12 - Wang Jie et Liu Mingzhu se sont rencontrés il y a un an, à l'usine. Ils passent leurs nuits dans deux dortoirs différents. Ils espèrent gagner assez d'argent pour se marier et ouvrir leur propre commerce. Cela prendra quelques années, mais cela vaut mieux que de rentrer au village où ils seraient marier à quelqu'un d'autre.
13 - A Di, 19 ans, vit dans un des bâtiments de l'usine. Pas d'électricité, pas de visite autorisée. Il gagne un euro par jour et rêve de trouver une entreprise qui lui paie le double.
14 - Ces travailleurs ont été licenciés de l'une des usines qui sous-traitent Disney et Mattel, peu après que la photo a été prise. Ils ont protesté contre des emplois du temps trop difficiles et d'autres pratiques de l'usine qui, notamment leur faisait signer deux contrats de travail : l'un restait en interne et impliquait des salaires très bas, l'autre respectait les standards afin d'être montré à l'extérieur. Dénoncés par leur direction, ils ont été arrêtés par la police pour trouble de l'ordre public.
15 - Cette femme travaille dans des usines de jouets depuis 15 ans. A partir d'un certain âge, il est impossible d'être embauché dans une entreprise sans avoir de qualification : elle préfère donc rester dans son usine même si elle ne reçoit qu'un euro par jour.
16 - Xia Xia, 20 ans, travaille à l'usine de jouets de Jingyu. Douze heures par jour, 7 jours sur 7, elle assemble des poupées Barbie. Quand le mois est bon, elle peut envoyer 15 euros à sa famille.
17 - XiaXia : "Papa, je ne rentre pas au village. Je reste pour travailler et t'envoyer de l'argent qui t'aidera à payer l'école pour mon petit frère. Ne t'inquiète pas pour moi. C'est dur, mais j'apprends beaucoup".
18 - Beijing a supprimé les tarifs scolaires que devaient payer les familles, il y a un an. Mais dans certains villages, la réforme n'a pas été appliquée : la famille de Xia Xia doit ainsi payer l'équivalent de 70 euros chaque année pour l'éducation des deux garçons. Une somme si considérable que l'éducation des filles a été sacrifiée.
19 - Une classe d'école dans le village de Houshanzai.
Comment échapper aux jouets made in China ? Ce Noël, ils représentent 80 % de l'offre mondiale ! Les acheteurs seront pourtant sensibles aux étiquettes cette année, car les Barbie ou les Winnie qui arrivent de l'empire du Milieu font peur : Mattel et les autres multinationales du jouet ont rappelé, ces derniers mois, des millions d'articles défectueux. Mais ces camions miniatures ou ces figurines mis hors circulation, souvent en raison de leur concentration en plomb, ne menaçaient pas seulement nos chères têtes blondes : ils sont aussi dangereux pour ceux et celles qui les fabriquent : dans les usines chinoises, des ouvrières payées 30 par mois travaillent douze heures par jour dans des vapeurs de solvants. Des jeunes femmes que personne ne protège : quand elles s'évanouissent deux fois dans la même journée, elles sont licenciées...
En Chine, 400 millions d'habitants des campagnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Pour payer les frais de scolarité de leurs enfants ou simplement survivre, ils migrent à l'intérieur de leur propre pays et deviennent des mingong, des ouvriers volants sans permis de travail. Pour eux, les usines de jouets demeurent des eldorados.
Samuel Bollendorff, un photographe franco-luxembourgeois de 33 ans, dont le dernier reportage a été exposé au Festival du photojournalisme de Perpignan, s'est introduit dans plusieurs usines du bassin de Shenzhen. Dans cette région, des centaines de sous-traitants produisent des jouets pour le compte des grandes firmes occidentales. C'est d'ici que proviennent ceux qui ont été rappelés.
Samuel Bollendorff a échappé à la surveillance dont les journalistes font l'objet pour parler sans témoin avec quelques-unes de ces ouvrières exploitées, interchangeables et dénuées de protection sociale. Car, s'il existe bien une législation sociale en Chine, elle est essentiellement appliquée dans les filiales de sociétés occidentales ; le serait-elle partout que des tensions graves se feraient jour sur le marché du travail. Loin de la « vitrine » de Pékin ou de Shanghai, les témoignages visuels qu'il a recueillis montrent que la fragilité de cette Chine à deux vitesses, faite d'îlots développés dans un pays sous-développé, réside plus que jamais dans son système social. Or c'est sur lui que repose le « miracle économique chinois ».