L'affaire du Kitty Hawk, ce porte-avions américain dont la Chine avait interdit l'accostage dans le port de Hongkong le 21 novembre, n'en finit pas de rebondir et d'alourdir le climat des relations sino-américaines. Dernier épisode en date de la saga des communiqués, la déclaration, mercredi 5 décembre, d'un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Qin Gang : " La Chine a exprimé sa grave préoccupation " quand le bâtiment américain, interdit un peu plus tôt de mouillage dans le port hongkongais par les autorités chinoises, a traversé le détroit séparant le continent de l'île de Taïwan.
Pékin considère ce détroit, large de 150 km, comme sa propriété maritime, la République populaire affirmant que Taïwan appartient à la Chine. La déclaration du porte-parole semble prendre la forme d'un message de courroux, envoyé à Washington à un moment où il est question que les Etats-Unis fournissent à Taïwan des missiles Patriot modernisés. Côté américain, on a fait savoir que l'itinéraire du Kitty Hawk avait été décidé pour des motifs " de nécessités opérationnelles ", prenant notamment en compte la météo.
FÂCHEUX " MALENTENDU "
Mais la déclaration du porte-parole ne clarifie pas les raisons qui ont poussé Pékin à interdire l'accostage durant les fêtes américaines de Thanksgiving. Le vaisseau, qui utilise souvent, comme bien d'autres navires de marines étrangères, le port de Hongkong pour accorder quelques jours de permission à ses hommes, avait l'intention d'y mouiller entre le 21 et le 24 novembre. Le 22 novembre, la permission d'accostage du porte-avions, ainsi que d'une escorte comprenant quatre autres bateaux de guerre et un sous-marin, fut brutalement refusée. Avant d'être autorisée un peu plus tard, mais à contre-temps : le Kitty Hawk était déjà en route vers son port d'attache au Japon.
Le 30 novembre, le Pentagone révélait, par la voix du porte-parole de la flotte américaine dans le Pacifique, John Yoshishige, que Pékin avait interdit, durant la même période, l'accostage à Hongkong du contre-torpilleur Reuben et de deux chasseurs de mine alors que le temps se dégradait en mer de Chine. Un avion américain qui se pose à Hongkong tous les trois mois pour ravitailler le consulat général des Etats-Unis avait vu sa permission d'atterrissage refusée.
Le ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi, a dit il y a quelques jours au président américain George Bush, lors d'un passage à Washington, que cette polémique ne relevait que d'un fâcheux " malentendu ". Une déclaration niée ensuite par les autorités chinoises.
Il s'agit de la première crise entre Washington et Pékin depuis le bombardement, en 1999, de l'ambassade de Chine à Belgrade durant la guerre du Kosovo. Il y eut aussi, le 1er avril 2002, l'atterrissage forcé sur l'île de Haïnan, d'un avion espion américain, à la suite d'une collision aérienne avec un chasseur chinois.
La relation sino-américaine a été mise à mal après la rencontre, à Washington, entre M. Bush et le dalaï-lama. Le chef politique et spirituel tibétain - bête noire de Pékin - avait reçu, le 17 octobre, la médaille d'or du Congrès.
Bruno Philip© 2007 SA Le Monde. Tous droits réservés.