Entretien : Digby Jones, ministre britannique délégué au commerce
C'est un véritable plaidoyer pour une Europe de la technologie auquel s'est livré, jeudi à Paris, lord Digby Jones, le ministre britannique délégué au Commerce et aux Investissements, venu remettre les trophées annuels de la Chambre de commerce et d'industrie franco-britannique. Directeur général de la Confederation of British Industry (le patronat britannique) de 2000 à 2006, il estime que « le seul moyen, pour l'Europe, de compter dans un XXIe siècle qui appartient à l'Asie est de miser sur la technologie, la haute valeur ajoutée ».
A ses yeux, il est dépassé et contre-productif de vouloir à tout prix conserver des industries manufacturières à faible valeur ajoutée à coups de subventions publiques. Dans cette vaste compétition entre les nations, il est vital pour les industriels européens de mettre en place une stratégie concentrant sur le Vieux Continent et la Grande-Bretagne la recherche et le développement et des idées nouvelles pour les transformer en produits de consommation. Quitte, s'ils le veulent, à les faire fabriquer dans des pays tels que la Chine, « un grand marché bénéficiant d'une main-d'oeuvre peu coûteuse mais qui n'est pas, pour le moment, un pays d'innovation technologique ».
Dans ce contexte, tout en admettant que la fermeté de l'euro et de la livre sterling peut être préoccupante, il estime que « les Européens auraient tort de considérer qu'une réévaluation du yuan résoudrait tous les problèmes auxquels font face les industriels européens ». Et de citer le cas de l'Allemagne à la fin des années 1980. « A cette époque, elle disposait du deutsche Mark, la plus forte devise au monde. Ce qui ne l'empêchait pas d'exporter avec succès ses produits réputés pour leur qualité. » Et aujourd'hui, « malgré la faiblesse du dollar vis-à-vis de l'euro et de la livre, l'Europe continue d'exporter avec succès des produits vers les Etats-Unis ».
Capacité à innover
Le succès du « made in Europe » ne dépend donc pas uniquement de sa monnaie, mais de sa capacité à innover et à mettre en place un cadre de R&D associant étroitement universités et entreprises, comme c'est le cas en Grande-Bretagne. Aussi, le ministre « souhaite que Bruxelles investisse plus dans l'économie du savoir ainsi que dans le transfert de la connaissance plutôt que dans l'agriculture et dans les industries d'hier ». Louant les efforts de réforme du gouvernement Sarkozy tout en constatant que l'opinion publique française a beaucoup évolué ces dix dernières années - « les grèves de la SNCF et de la RATP en novembre n'étaient guère soutenues par la population, au contraire de 1995 », Digby Jones estime que la France a les capacités de faire face à la mondialisation.
Des handicaps
« N'oubliez pas que vous disposez, aujourd'hui, du meilleur taux de productivité par euro investi et d'une meilleure productivité par personne qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne. Ce qui constitue une très bonne base de développement de l'économie française. » Néanmoins, il pointe encore des handicaps, notamment sur le plan de « la rigidité du marché de l'emploi ou de la tentation à vouloir conserver des champions industriels nationaux ». Pour lui, concurrence, déréglementation et flexibilité sont les maîtres mots gagnants. Des notions très développées outre-Manche. Car pour Digby Jones, son pays a tout pour attirer les entreprises souhaitant jouer un rôle prépondérant au niveau mondial. « Nous avons les quatre atouts majeurs pour qu'une entreprise venant s'installer en Grande-Bretagne connaisse le succès : la langue internationale - l'anglais - ; le bon fuseau horaire ; un marché ouvert, non protectionniste et dérégulé ; enfin un marché du travail flexible. »
RICHARD HIAULT
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