L'un des dirigeants du groupe nucléaire français Areva, Paul Felten, retenu contre son gré pendant plus de deux mois en Chine, est rentré en France jeudi 17 janvier. Selon l'Agence France-Presse, son nom aurait été cité dans une affaire de corruption visant des responsables chinois du groupe public China Guangdong Nuclear power corp (CGNPC). La direction d'Areva affirme qu'aucune charge n'a pourtant jamais pesé contre l'intéressé.
Le ministère des affaires étrangères a, pour sa part, justifié son silence en déclarant que " des contacts discrets sont toujours plus efficaces qu'une conférence de presse dans ce type d'affaire délicate ". Les autorités françaises et la direction de l'entreprise ont maintenu le plus grand silence sur ce dossier, où se mêlent des enjeux commerciaux majeurs et une lutte du gouvernement chinois contre la corruption. Paul Felten, directeur marketing du pôle réacteurs nucléaires d'Areva depuis 2003, a reçu la visite des policiers à son hôtel à Pékin, fin novembre 2007, au moment de la visite présidentielle de Nicolas Sarkozy en Chine. A cette occasion, Areva signait la vente de deux réacteurs de troisième génération EPR pour un montant de huit milliards d'euros. L'assignation à résidence de M. Felten dans un tel contexte aurait pu créer un incident dommageable aux relations franco-chinoises. L'intéressé a été interrogé une première fois, début décembre, puis à plusieurs reprises au cours du mois de janvier. La direction d'Areva assure que " la justice chinoise désirait l'entendre en qualité de témoin parce que son nom apparaît sur une liste d'une société de conseil locale au coeur d'une affaire de corruption ". TENSIONS SUR LE CONTRAT EPR Des sociétés occidentales et japonaises auraient, selon Areva, versé des fonds à cette société dans le cadre d'action de lobbying. Selon l'un des avocats français d'Areva, du cabinet Gide, les sommes sont estimées à plusieurs millions d'euros. La justice pékinoise estime, pour sa part, que cet argent aurait pu servir à corrompre des responsables chinois dans un secteur énergétique en pleine expansion. Le vice-président du CGNPC, Shen Rugang, discrètement démis de ses fonctions fin 2007, serait au coeur des accusations. Contrairement aux déclarations du groupe français, les liens existant entre le responsable du groupe nucléaire français et M. Shen seraient beaucoup plus étroits. Les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années. Paul Felten, âgé de 63 ans, a débuté sa carrière au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), avant de rejoindre le fabricant de réacteurs nucléaires Framatome en 1992. Deux ans plus tard, il est nommé délégué général du groupe en Chine, jusqu'à ce qu'il rejoigne Areva en 2003. Il a activement participé, en liaison avec M. Shen, à partir de 2004, à l'ingénierie des centrales nucléaires de Daya-Bay et de Ling Ao. Pour sa part, M. Shen appartenait à la délégation chinoise conduite par le vice-premier ministre Zeng Peiyan, venue signer, en août 2004, des contrats dans la domaine du nucléaire avec EDF et Areva. Le sort de Paul Felten a été au centre de discussions entre l'ambassadeur de France et les autorités chinoises. Mais les considérations commerciales de l'affaire doivent être prises en compte. Si Areva jure " que le groupe n'a craint aucun préjudice d'image ", l'entreprise doit néanmoins gérer de fortes tensions dans le cadre de l'important contrat EPR signé en novembre. Ses partenaires chinois conditionnent désormais l'exécution du contrat à un engagement " irréversible " du groupe français dans un transfert de technologie de retraitement du combustible usé. Jacques Follorou © 2008 SA Le Monde. Tous droits réservés.
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