mercredi 5 mars 2008

Le Parlement chinois se réunit en pleine incertitude économique - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20124 - International, mercredi, 5 mars 2008, p. 8

L'équipe dirigeante qui définira les nouvelles politiques économiques du pays sera bientôt présentée à l'Assemblée nationale populaire. Pékin est confronté à une grave hausse des prix et redoute le ralentissement en occident. Wang Qishan et Li Keqiang, experts d'un grand pragmatisme économique, vont faire leur entrée au gouvernement.
Le Premier ministre Wen Jiabao devrait réaffirmer la volonté de faire émerger une « société harmonieuse » dans laquelle les fruits de la croissance seraient mieux répartis.

L'« harmonie » est de plus en plus difficile à atteindre en Chine. Réunis une seule fois par an pour parapher les grandes orientations politiques de leurs dirigeants, les 2.987 délégués de l'Assemblée nationale populaire chinoise (Parlement) vont entamer ce matin leurs deux semaines de travaux dans l'un des climats économiques les plus compliqués qu'ait connus le pays depuis son ouverture, au début des années 1980. Depuis la précédente réunion, en mars 2007, le pays a conservé un solide rythme de croissance - 11,4 % l'an dernier - mais été frappé par une sévère envolée des prix - 7,1 % en janvier - et se retrouve confronté à un fort ralentissement de la croissance économique en occident.

Soucieux de maintenir la stabilité sociale à quelques mois de l'ouverture des jeux Olympiques de Pékin, le président Hu Jintao et son Premier ministre, Wen Jiabao, devraient réaffirmer leur volonté de faire émerger une « société harmonieuse » dans laquelle les fruits de la croissance seraient mieux répartis, et devraient indiquer les grands axes de leur future politique économique. Assurés de conserver pour cinq ans encore leur leadership à la tête de l'Etat, les deux hommes vont faire valider par l'Assemblée l'équipe politique qui devra choisir, dans les prochains mois, entre un resserrement monétaire censé refroidir l'inflation et un assouplissement des taux supposé, lui, rassurer des entreprises exportatrices inquiètes d'une baisse de la demande aux Etats-Unis et en Europe. « Après s'être longtemps inquiété d'un risque de surchauffe, la Chine pourrait potentiellement craindre un refroidissement trop rapide », résume l'analyste Donald Straszheim, de Roth Capital Partners.

Une nouvelle génération

Pour répondre à ce dilemme, Hu Jintao et Wen Jiabao vont faire appel à une nouvelle génération de dirigeants ayant fait la preuve, dans leurs fonctions précédentes, d'un grand pragmatisme économique. Li Keqiang, réputé très proche du président Hu Jintao, devrait logiquement être nommé premier vice-Premier ministre. Loué au sein du Parti communiste pour ses efforts de modernisation de la province industrielle du Liaoning, dont il a été gouverneur, il devrait se voir confier les grands axes de la politique macroéconomique. Il devrait être aidé sur les questions financières et les épineuses négociations commerciales par Wang Qishan, lui aussi attendu à un poste de vice-Premier ministre. Cet ancien vice gouverneur de la banque centrale a présidé la China Construction Bank dans les années 1990 et avait été parachuté en urgence, en 2003, à la tête de Pékin pour remplacer le maire en pleine crise du SRAS. S'il n'aura officiellement pas de prise directe sur les dossiers économiques, Xi Jinping, le futur vice-président, devrait être régulièrement consulté sur tous les grands choix. C'est lui qui, sauf accident, devrait succéder à Hu Jintao à la tête du parti et du pays dans cinq ans.

Après avoir fait symboliquement valider ces remaniements par les parlementaires - ils l'ont en fait déjà été par le tout-puissant Parti communiste - les autorités devraient tenter de réorganiser leurs grandes administrations soupçonnées de freiner plusieurs grandes réformes économiques (lire ci-dessous). Elles devraient également préciser leurs options dans plusieurs dossiers industriels qui concernent directement ou indirectement les entreprises étrangères. Pékin devrait notamment lever le voile sur la grande restructuration de son secteur des télécommunications, dans lequel beaucoup d'opérateurs occidentaux, notamment France Télécom, aimeraient investir.

YANN ROUSSEAU

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PHOTO : Le premier ministre Wen Jiabao - Arnd Wiegmann / Reuters


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