mercredi 19 mars 2008

VIDÉO TIBET - Éditorial de Pierre Haski - La Chine, l'harmonie et les JO: le grain de sable tibétain


Rue89/Europe1 - Éditorial, mardi, 18 mars 2008
C’est la crise que Pékin n’attendait pas. Les événements sanglants du Tibet ont fait voler en éclat un des mythes de la propagande chinoise: celui de l’"harmonie" entre les 56 nationalités qui constituent le milliard 300 millions de Chinois.

Les Tibétains, petit grain de sable de quelques millions d’âmes, ne pèsent pas lourd dans cet ensemble. Mais ils n’ont pas pour autant l’intention de disparaître sous le rouleau compresseur économique, culturel et humain, de cette Chine en plein essor. A Lhassa, la capitale tibétaine, les Hans, le groupe dominant en Chine, sont majoritaires ou en passe de l’être, et ont transformé ce coeur traditionnel du bouddhisme tibétain en une ville moderne, matérialiste -en un mot: chinoise. Le dalaï lama parle carrément d’un "génocide culturel".

Comme en Birmanie voisine à l’automne dernier, les moines bouddhistes ont pris l’initiative des protestations. Mais au Tibet, les événements ont tourné à un double affrontement sanglant: d’un côté la violence des Tibétains contre tout ce qui était identifié comme Chinois: les passants ou les magasins... De l’autre une répression impitoyable des forces de l’ordre contre un soulèvement intolérable. Résultat: 16 morts officiellement, des dizaines voire des centaines de victimes selon les groupes tibétains en exil. Et une chasse à l’homme engagée au Tibet à l’issue de l‘ultimatum qui expirait lundi soir à minuit pour la reddition des jeunes protestataires.



VERSION MONTAGE-VIDÉO



Le moment n’est évidemment pas indifférent. Pour les Tibétains comme pour tous ceux qui veulent faire entendre leur cause face au pouvoir chinois, il y a aujourd’hui une fenêtre d’opportunité, qui se refermera à l’issue des JO, fin août. Les projecteurs sont braqués sur la Chine, et le resteront pendant les cinq prochains mois.

Pour les Tibétains, c’est l’occasion de lancer un cri d’alarme face à ce qu’ils vivent comme une situation coloniale, même si Pékin considère le Tibet comme Chinois pour l’éternité, et si le dalai lama, le chef spirituel exilé, ne demande pas l’indépendance mais une réelle autonomie, promise par Mao mais vite bafouée.

La question n’est plus de savoir si ces Jeux seront politisés: ils le sont déjà. Le réalisateur Steven Spielberg s’est retiré de l’organisation de la cérémonie d’ouverture pour protester contre la politique chinoise au Darfour. Les appels au boycott risquent de se multiplier, même s’il faut noter que le dalai lama lui-même ne le demande pas. L’embarras est de plus en plus évident dans le monde occidental à l’approche de ces jeux piégés.

Dans ce climat, le pouvoir chinois a deux choix. Il peut se draper dans sa dignité froissée et s’appuyer sur sa force indéniable, en interne comme dans ses rapports avec le reste du monde. De l’autre, il peut tenir ses promesses non tenues d’ouverture, et sortir de cette crise par le haut, en particulier dans ses relations avec les Tibétains. L’expérience indique, hélas, que c’est plutôt la première solution qui primera.

Pierre Haski


PHOTO : Gilles Sabrié

0 commentaires: