vendredi 16 mai 2008

Inquiétudes sur la solidité des barrages hydroélectriques chinois - Julie Desné

Le Figaro, no. 19841 - Le Figaro, vendredi, 16 mai 2008, p. 5
Quatre jours après le tremblement de terre de lundi, la tension reste à son maximum dans le Sichuan pour sauver les victimes des décombres mais aussi pour vérifier l'état des infrastructures encore debout. Parmi les milliers de soldats de l'Armée populaire de libération dépêchés sur place, 2 000 inspectaient hier le barrage de Zipingpu, entre les villes sinistrées de Dujiangyan et de Wenchuan.

« La Chine est confrontée à un important problème de sécurité et de prévention des inondations dans les stations d'eau, les centrales électriques, les retenues d'eau et d'autres infrastructures dans les zones de l'épicentre », reconnaissait Chen Lei, ministre des Ressources en eau. Dans cette région montagneuse, traversée par de nombreuses rivières, le recours à l'énergie hydraulique est courant et le pouvoir chinois a construit d'innombrables barrages de diverses importances.

La commission du développement national et de la réforme (NDRC) ne recense pas moins de 391 sites touchés par le séisme. Comme le reconnaît le ministre de tutelle, la faiblesse des données disponibles complique l'évaluation des dangers potentiels. Pour Zipingpu, considéré comme le plus endommagé et situé juste à côté de l'épicentre, les militaires ont ouvert les vannes pour laisser les flots se déverser et relâcher la pression exercée sur l'infrastructure. L'alerte a été donnée à la suite de l'apparition de fissures.

Un journaliste chinois rapportait hier avoir vu des craquelures larges de 10 centimètres sur un édifice de 150 mètres de haut. Dans le district de Moxian, deux centrales hydroélectriques sont sérieusement endommagées, dans une zone où vivent quelque 7 000 personnes.

Dangereuses répliques

En dehors des conséquences sur l'approvisionnement en énergie, l'urgence est la sûreté des populations. « À la suite d'un séisme de cette intensité, un barrage peut rompre. Dans ce cas-là, il provoque un torrent dévastateur », explique Alexandre Koclejda, architecte, spécialiste des situations d'urgence, soulignant que la situation est difficile à évaluer à distance. « Il peut y avoir une fissure, sans que cela mène nécessairement à une brèche », nuance un expert européen. Les autorités redoutent un « second désastre ». « Le vrai problème, ce sont les répliques », souligne l'expert en construction. Les secousses qui suivent un séisme, jusqu'à plusieurs semaines après le phénomène principal, sont autant d'événements qui peuvent endommager davantage les infrastructures. À Dujiangyan vivent 600 000 personnes, directement menacées par les flots. Dans la province sinistrée, près de 3,5 millions de maisons ont été abîmées et certains bâtiments menacent à tout mo-ment de céder.

Environ mille kilomètres en aval sur le fleuve Yangtsé se trouve le pharaonique barrage des Trois-Gorges. Dès le premier jour de la catastrophe, alors que les premières dépêches ne comptaient même pas encore les morts, le gouvernement central avait cru bon d'affirmer qu'aucun dommage n'y avait été observé. La distance peut avoir épargné le plus grand barrage hydroélectrique du monde. Sinon, ce sont plusieurs millions de personnes qui seraient menacées.

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