« Les Français ont-ils peur de l'avenir ? Leur culture ne les porte pas vers l'innovation. C'est une des raisons pour lesquelles les jeunes ingénieurs ne restent pas en France. »
Jean-Michel Billot, expert dans les nouvelles technologies et créateur de l'Atelier, une cellule de veille technologique du groupe BNP Paribas, s'interroge. Son constat de départ n'épargne pas les élites, qui ne sont pas suffisamment ouvertes à des évolutions comme la biologie synthétique, les nanotechnologies ou les robots humanoïdes... Autant de secteurs dans lesquels, presque sans le savoir, la France accumule aujourd'hui les retards. « C'est au politique d'avoir une vision du monde et de la faire partager. » Or dans les technologies de pointe, tout retard se paie au prix fort : pour recoller au peloton, il faut acheter des applications à ceux qui ont su anticiper les évolutions.
La ville de Pau pionnière
Un exemple concerne la fibre optique. Le Japon a déjà pris beaucoup d'avance. Et, en Chine, on compte déjà six fois plus de foyers reliés à des réseaux de fibres optiques qu'en France où il n'existe que quelques îlots. La ville de Pau est l'un d'entre eux. Sensibilisé aux qualités de la bande large dans les autoroutes de l'information par Jean-Michel Billot, l'ancien maire André Labarrère avait projeté sa ville dans le monde des hautes technologies en la dotant d'un réseau de fibres optiques. Ensemble, l'édile et l'expert ont monté un projet, trouvé des financements alliant public et privé... et créé un modèle économique compatible avec l'attente des utilisateurs. Fallait-il faire payer le prix du raccordement au réseau, afin d'amortir plus rapidement les investissements ? Pour Jean-Michel Billot, « ce n'est pas une bonne approche. Fait-on payer un branchement téléphonique ou l'arrivée d'eau ? » Aujourd'hui, la disponibilité des technologies de l'information et de la communication est un service public au même titre que l'électricité. « C'est pourquoi la décision revient au politique. »
André Labarrère et son équipe se sont engagés dans la voie de l'innovation. Pau compte maintenant 45 000 prises installées et les 7 000 abonnés actuels, à un tarif de 30 à 34 euros par mois, disposent de bandes passantes de 100 mégabits symétriques et plus. « Il n'y a pas de problème de financement, insiste l'expert. Si la France se dotait d'une véritable stratégie en matière de fibre optique, on pourrait équiper l'ensemble de l'Hexagone pour 15 milliards d'euros, soit un euro de plus par mois et par abonné pendant 15 ans. »
Nouvelles applications
Mais dans quel but et pour quelle efficacité ? Les capacités de la fibre optique permettraient, selon lui, de créer de nouvelles applications qui contribueraient à l'accroissement des créations de richesses. Par exemple, au développement du télétravail, des centres de soins à distance, des agences bancaires virtuelles, des programmes éducatifs en trois dimensions, etc. La large bande autorise aussi des modes de fonctionnement alternatifs qui permettent d'économiser de l'énergie en réduisant les besoins de transport. Certes, ce n'est pas la fibre optique qui est génératrice de croissance, mais les applications qu'elle autorise. À ce titre, elle est, pour Jean-Michel Billot, une condition nécessaire à l'innovation et à la croissance économique.
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