Le journaliste revient sur les cinquante dernières années de l'histoire chinoise et semble lui-même horrifié par le bilan du Grand Timonier : famines, déportations, camps de « rééducation », invasion du Tibet, guerre de Corée, génocide khmer rouge, destruction de l'environnement... Rien à voir avec l'histoire officielle, riche en supercheries : la Longue Marche, mythe fondateur du nationalisme chinois, aurait bénéficié de l'aide militaire soviétique. Quant au Grand Bond, tentative d'industrialisation forcée, il aurait coûté la vie à 20 ou 50 millions de Chinois. Sinophile, Rampini s'efforce pourtant à l'objectivité. A l'actif de Mao : l'indépendance de son pays, la politique de non-alignement et la désignation de son successeur parmi les modérés. Mais la fin de sa vie fut celle d'un empereur décadent, cruel amateur de petites filles. Un document accablant pour le régime actuel : Pékin garde le silence pour ne pas remettre en cause l'infaillibilité d'un parti qui « a tout abandonné du communisme, hormis l'élément autoritaire » et conserve « les règles mafieuses qu'instaura Mao ». Rampini égratigne au passage les intellectuels occidentaux qui, tels Simone de Beauvoir ou Alberto Moravia, se sont laissé aveugler par l'exotisme d'une révolution à la mode dans les années 1960. Elle n'avait pourtant rien de culturel : le fils de paysans haïssait les érudits autant que Pol Pot.
Conclusion de cette enquête édifiante : il serait temps de déboulonner la statue de Mao Zedong, à l'instar de celle de Staline. Régler ses comptes à la « momie de Tian'anmen » permettrait enfin l'évolution démocratique du pays le plus peuplé de la planète, monstre économique devenu le premier créancier des Etats-Unis. Un essai passionnant, plus que jamais d'actualité : pendant la répression chinoise au Tibet, un parti maoïste remportait les élections au Népal... L'ombre du plus grand despote du XXe siècle (ses victimes dépassent en nombre celles de Hitler) n'en a pas fini de planer sur l'Asie.
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