vendredi 18 avril 2008

N'ayons pas peur ! - Erik Izraelewicz

La Tribune - Éditorial, 17 avril 2008

La Chine menace : elle va faire payer à la France son indiscipline dans le parcours de la flamme olympique. Elle se vengera en s'attaquant à ses intérêts économiques. Les Carrefour, LVMH, Alstom et autre Areva n'ont qu'à bien se tenir. Mardi, les autorités chinoises ont jeté le voile, apportant dans la presse officielle leur soutien aux appels à boycott des produits français qui circulent sur le Net. Faut-il avoir peur de cette agitation ?

Dans un pays aussi autoritaire et contrôlé que la Chine, le pouvoir politique central dispose, certes, d'une grande influence sur les affaires comme sur le comportement des consommateurs. Il a une évidente responsabilité dans ces appels " anonymes ". Il a les moyens de sanctionner les pays qui lui déplaisent, en refusant par exemple de leur confier quelques grands contrats - dans l'aéronautique, l'énergie ou les transports. Mais la Chine d'aujourd'hui n'est plus totalement la dictature d'autrefois. L'économie a pris de l'autonomie. Les grands contrats ne se décident plus sur des critères exclusivement politiques. Si l'Empire a besoin de centrales nucléaires de qualité, elle les achètera aux fournisseurs les mieux-disants sur les plans technologiques, industriels et financiers, voire écologiques, plutôt qu'à partir de considérations politiques. Quant aux consommateurs chinois, si le nationalisme y reste un ciment très fort, ils ont, eux aussi, des comportements de plus en plus rationnels. Ils achètent en fonction de leurs besoins, de leurs goûts et de leurs moyens, pas des drapeaux de leurs fournisseurs. Quand ils se rendent dans l'un des 112 hypermarchés Carrefour du pays, peu d'entre eux savent qu'ils sont dans un magasin " français ". Le risque d'un boycott efficace est en définitive extrêmement faible. Il l'est d'autant plus que la France n'est, malheureusement, qu'un tout petit fournisseur de la Chine. L'indulgence politique de Paris, voire sa complaisance à l'égard du régime chinois tout au long de ces dernières années, n'a en réalité jamais été payée en retour. La preuve qu'il n'y a pas de lien, ou très peu, pour nos amis chinois, entre la politique et les affaires. Alors, n'ayons pas peur !

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