jeudi 18 septembre 2008

DOCUMENTAIRE EN INTÉGRALITÉ !!! - Visite guidée au coeur de la Chine impériale














Visite guidée au coeur de la Chine impériale
ARTE« LES SECRETS DE LA CITÉ INTERDITE » Un documentaire exceptionnel diffusé dans la foulée du « Dernier Empereur » de Bertolucci.

Muriel FRAT

LES 9 999 salles de la Cité interdite ont été bâties à la gloire d'un seul homme, l'empereur de Chine, entre 1407 et 1421 à une époque où « Jeanne d'Arc gardait encore ses moutons, Constantinople était la capitale chrétienne de l'Empire romain et les Islandais utilisaient du poisson séché comme monnaie d'échange ». Près de six cents ans plus tard, l'endroit le plus secret du monde reçoit plus de huit millions de visiteurs par an. Dans le cadre d'une soirée consacrée à la Chine du dernier empereur, Arte pousse les portes d'un ensemble palatial de 720 000 m

, menacé à maintes reprises et finalement sauvé de la destruction.

Le documentaire, qui fourmille d'anecdotes, retrace cette histoire mouvementée en insistant sur le XX

siècle, de l'abdication de l'empereur Puyi en 1912 aux récents travaux de rénovation qui ont amené à des découvertes saisissantes. Il raconte comment, en 1925, le palais fut transformé en musée, après l'inventaire méticuleux d'un million d'oeuvres d'art inscrites dans un registre « sur lequel même un trognon de pomme fut répertorié ».

Mao ordonne la restauration

En 1937, le conflit sino-japonais poussa les conservateurs du musée à déménager les trésors de la Cité interdite, mis d'abord en lieu sûr à Nankin et Shanghaï puis dans le Sichuan. Après des années de combat et de guerre civile, le Palais, laissé à l'abandon, était voué à disparaître. « Les cours étaient envahies de mauvaises herbes, les toits s'affaissaient, des bâtiments entiers s'effondraient. » Après une visite de l'ancienne demeure impériale en 1954, Mao Tsé-toung, fondateur de la République populaire de Chine, inscrivit sa restauration sur la liste de ses priorités. Insuffisant. En 2004, un nouveau programme de restauration, d'un coût de 250 millions de dollars, a dû être lancé, avec l'idée d'établir un catalogue exhaustif des merveilles de la Cité interdite. Les instigateurs de ce projet pharaonique s'étaient donné sept ans. Rendez-vous en 2011.

Dimanche à 23 h 25.

Illustration(s) :

Les merveilles de la Cité interdite en constante rénovation.

GCTV-NGCI

© 2008 Le Figaro. Tous droits réservés.


Le Point, no. 1873
Cinéma, jeudi, 7 août 2008, p. 409

Spécial Gomorra
Reportage - Au coeur de la cité interdite

Dominique Dunglas

Toile de fond de « Gomorra », la cité des Vele, les « Voiles ». Un projet urbanistique hallucinant des années 60 devenu le plus grand supermarché européen de vente de drogue au détail. Visite guidée.

Cocaïne, héroïne, hasch, « korbet »-à base de déchets d'héroïne-et toutes les drogues synthétiques : dans la Voile jaune, le business débute dès sept heures du matin. Le hall principal est occupé par les dealers qui contrôlent l'accès aux garages. Baisser la tête et éviter de croiser les regards...

La Voile est composée de deux bâtiments de 14 étages, longs de 140 mètres et distants l'un de l'autre de 8 mètres. Il n'y a pas d'ascenseurs car ils ont été volés avant d'entrer en fonction. Dans l'espace commun, où le soleil ne pénètre jamais, un réseau de couloirs et de passerelles métalliques distribue les appartements. Encadrements de fenêtre arrachés, béant sur des pièces vides ou remplies de gravats et de matelas éventrés... Certains appartements sont murés et les passerelles conduisant aux étages supérieurs ont été arrachées. Comme dans « Blade Runner » ou dans une immense prison qui aurait subi une révolte et serait hantée de présences fantomatiques : une femme obèse et un bébé aperçus dans une pièce, un arriéré mental errant dans l'escalier, un enfant qui court au loin. Il y a davantage de vie au rez-de-chaussée, dans les garages transformés dès les années 70 en habitations par les squatteurs et devenus territoire exclusif des dealers.

Rap obsédant.

Le silence est en permanence percé par des hurlements qui résonnent dans la cathédrale de béton et de fer : « L'école ! »,« La villa ! » Ce sont les sentinelles, des mineurs sans casier judiciaire, qui indiquent le passage d'une voiture suspecte-la police ou les hommes d'un clan adverse-sur le côté de l'école ou celui de la villa. « C'est bon ! » Le danger s'éloigne. Si les flics débarquaient, la sentinelle hurlerait : « Maria ! », et l'armée de l'ombre se disperserait dans le dédale de couloirs. Un rap obsédant qui résonne dans tout Scampìa, un quartier de 100 000 habitants au nord de Naples. Car la Camorra ne contrôle pas que le territoire des quatre Voiles (la jaune, la rouge, la bleue et la tour). Elle règne également sur le Lot T, les Maisons bleues, les Maisons des Schtroumpfs, le quartier des Fleurs-plus connu sous le nom de « Tiers-Monde »-, le parc de la Poste ou sur les dizaines de piazze de deal, qui rapportent 500 000 euros par jour.

« Les Voiles comme les autres piazze sont imprenables, explique le procureur anti-mafia de Naples, Franco Roberti. Pour faire une descente, il faut mobiliser 500 hommes pour ne confisquer au mieux qu'un ou deux kilos. La drogue arrive en permanence par petites quantités. On se manifeste pour ne pas laisser toute l'initiative aux camorristes. Mais lutter contre la vente au détail, ça revient à vider la mer avec une cuillère. »

Lorenzo et Rita habitent dans la Voile jaune depuis vingt-huit ans. Ils y ont squatté un appartement après le tremblement de terre de 1980, qui a détruit le logement d'une pièce dans lequel ils vivaient à dix. Sans travail, Lorenzo se débrouille. Rita doit passer dix-huit heures par jour en respiration assistée et jamais un médecin ne l'a visitée aux Voiles. L'électricité est branchée sur la cage d'escalier. L'univers de Rita se résume à un canari sur le balcon, un aquarium géant, un vieux canapé, une télé ou défilent en permanence les images de « Gomorra » (en DVD pirate)-dans lequel Lorenzo joue un petit rôle. « Heureusement, les "garçons" me montent les bouteilles d'oxygène. Et toutes les semaines, ils font les courses pour l'infirme du septième. » Les « garçons » ne sont autres que les dealers qu'elle a vu grandir dans les couloirs de la Voile. « Si tu t'occupes de tes affaires, il ne t'arrive rien. Les dealers font un métier de merde et ils risquent la prison. C'est normal qu'ils se méfient. Mais, dans les Voiles, personne n'a jamais fait fortune avec la drogue et beaucoup sont morts. Les boss qui gagnent des millions, on ne les a jamais vus. »

Dommages collatéraux

Les assistantes sociales, non plus. Misère, chômage, analphabétisme-les habitants des Voiles parlent le dialecte napolitain et rares sont ceux qui maîtrisent l'italien-font le lit d'une Camorra qui joue le pompier social et fait vivre plusieurs milliers de familles de Scampìa.

A condition de payer le prix du sang. La dernière guerre de la Camorra, qui a opposé en 2004 et 2005 le clan dominant des Di Lauro aux « Espagnols », un cartel de sécessionnistes, a fait 80 morts. « On ne sortait plus à la tombée de la nuit et les mères n'envoyaient plus les enfants à l'école, se souvient Rosario Esposito La Rossa, qui avait 14 ans à l'époque. Il était interdit de porter un casque en motocyclette parce qu'on risquait d'être pris pour un tueur du clan adverse. » Antonio Landieri, le cousin de Rosario, qui était infirme et n'avait rien à voir avec la Camorra, a été tué d'une balle perdue alors qu'il jouait au baby-foot. Un des nombreux dommages collatéraux de la guerre de Scampìa.

Ironie du sort, conçues dans les années 60, les Voiles sont nées comme un projet urbanistique ambitieux. C'était l'époque où le groupe britannique Archigram et Kenzo Tange à Tokyo théorisaient sur les mégastructures qui devaient apporter le bonheur aux masses laborieuses. Les Voiles sont filles de ces utopies urbanistiques.

« Dans son projet, l'architecte Franz Di Salvo a voulu recréer les bassi napolitains, ces habitations populaires en rez-de-chaussée qui débordaient dans la rue et permettaient une vie collective, explique l'architecte Pasquale Belfiore. Di Salvo a inventé le basso à étages. »

Dommage que l'idée n'ait jamais fonctionné. Glacés en hiver, brûlants en été et remplis d'amiante, les appartements se sont révélés invivables. Sombres et exposées à tous les vents, les passerelles n'ont pas alimenté la convivialité mais la haine. Les infrastructures n'ont pas suivi et les Voiles se sont transformées en ghettos. Les squatteurs les ont envahies après le tremblement de terre de 1980. La Camorra a alors profité de la concentration de marginaux pour gangrener les immeubles un à un et fonder le plus grand supermarché européen de vente de drogue au détail.

Trois des sept Voiles ont déjà été abattues et les quatre restantes le seront au fur et à mesure que les 110 familles qui y habitent encore seront relogées. Un comité milite cependant pour la conservation d'une Voile, « pour témoigner ». Témoignage d'une utopie qui a accouché d'un monstre.

© 2008 Le Point. Tous droits réservés.

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