Le dissident chinois Hu Jia a reçu jeudi le Prix Andreï Sakharov, décerné par le Parlement européen. Il est actuellement en prison pour trois ans et demi. Portrait.
Il a une allure frêle et des petites lunettes de parfait élève. Hu Jia, 35 ans, est pourtant devenu l'un des porte-drapeaux de la liberté en Chine, sous le pseudonyme de Freeborn. Infatigable militant, il est l'un des hommes les plus haïs par le régime. Hu Jintao, le secrétaire du Parti communiste, l'a traité de «criminel» il y a quelques semaines. Jeudi, il a reçu le Prix Sakharov du Parlement européen, récompensant chaque année un défenseur de la liberté de penser.
Le jeune homme doit sans doute à sa famille d'être devenu le dissident le plus célèbre de son pays. Son oncle paternel est le premier à avoir eu maille à partir avec le Parti communiste. Accusé en 1955 d'être un «contre-révolutionnaire», il est condamné à 25 ans de travaux forcés. Deux ans plus tard, ses parents sont victimes de la campagne «anti-droitiers» lancée par Mao Zedong contre les intellectuels.
Ecologiste au départ
Agé de 15 ans en mai 1989, il assiste aux manifestations étudiantes et ouvrières sur la place Tiananmen, réprimées par les armes dans la nuit du 3 au 4 juin. Ces violences confirment son penchant pour le bouddhisme et la non-violence. S'il se lance dans des études de nouvelles technologies à l'école d'économie de Pékin, il est également bénévole pour la Croix-Rouge et a créé plusieurs ONG dans la défense de l'environnement, contre la désertification et pour la préservation d'espèces animales en danger. Hu Jia rencontre sa future femme Zeng Jinyan, de 11 ans sa cadette, au cours de ces pérégrinations.
Le militant est arrêté pour la première fois en 2002 dans la province du Henan pour avoir secouru des populations atteintes du Sida suite à un trafic impliquant des cadres du parti. Déterminé, il poursuit sa quête pour les libertés dans son pays. «Il existe aujourd'hui une possibilité d'apporter la démocratie à la Chine, pour la première fois en 5000 ans d'histoire, assure-t-il en 2007 à l'Agence France Presse. C'est pourquoi je me sens privilégié de vivre à cette époque, cela explique ce que je fais.»
Hu Jia organise des campagnes en faveur de la libération de prisonniers politiques et profite de l'apparition d'Internet et du téléphone portable pour se faire le porte-parole de nombreuses causes auprès des journalistes étrangers établis à Pékin. Cela lui vaut d'être assigné à domicile à partir d'avril 2004, dans un appartement situé dans une résidence de l'est pékinois et sinistrement appelée «Bobo Cité Liberté».
Il fait des allers-retours en prison, mais parvient à converser avec l'extérieur à travers son blog. En 2006, il est incarcéré pendant 41 jours. Sa santé se détériore, il développe une hépatite B, qui favorisera plus tard une cirrhose du foie. Qu'importe, le dissident multiplie les déclarations regrettant que les promesses officielles faites avant les Jeux olympiques ne soient pas tenues. Il est à nouveau incarcéré le 27 décembre 2007, accusé un mois plus tard «d'incitation à la subversion du pouvoir de l'Etat». Le 3 avril 2008, il est condamné à trois ans et demi de prison. «Il ne laissera pas tomber les droits de l'homme», affirme sa femme sur son blog. Malgré les mauvais traitements dont il est l'objet en prison.
Encadré(s) :
La Chine exprime son «mécontentement»
Le Temps
Le Prix Sakharov 2008 est «décerné à Hu Jia au nom des sans-voix de la Chine et du Tibet», a annoncé jeudi le président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, en séance plénière à Strasbourg. Cette récompense «rend hommage au combat quotidien pour la liberté de tous les défenseurs des droits de l'homme en Chine», a estimé le parlementaire. Deux mois après la fin des Jeux olympiques, ce choix est éminemment politique. Le dissident chinois avait également été nominé pour le Prix Nobel de la paix. Pékin a fait part jeudi de son «fort mécontentement», regrettant une «grossière ingérence dans les affaires intérieures chinoises». Les autorités ont cependant assuré que cela n'affecterait pas le sommet Asie-Europe qui débute ce vendredi. Berlin et Washington ont demandé la libération du militant. La récompense sera remise à Strasbourg le 17 décembre lors de la session du Parlement, qui sera aussi l'occasion de célébrer les 20 ans du Prix Sakharov. Avant Hu Jia, Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi ou encore Kofi Annan ont reçu cette récompense, dotée d'une somme de 50000 euros.
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Le Monde - International, samedi, 25 octobre 2008, p. 6 PÉKIN CORRESPONDANT - A la veille du septième sommet de l'ASEM (Asia-Europe meeting), qui se tient à Pékin les vendredi 24 et samedi 25 octobre, le Parlement européen a décerné son prix Sakharov pour les droits de l'homme au plus célèbre dissident chinois emprisonné, Hu Jia. Ces derniers jours, alors que des rumeurs insistantes circulaient à propos de l'attribution de ce prix prestigieux au jeune homme de 35 ans - qui comptait parmi les possibles récipiendaires du prix Nobel de la paix -, la diplomatie chinoise faisait le forcing pour dissuader les parlementaires européens de prendre une telle décision. Dans une lettre adressée au président du Parlement de Strasbourg, Hans-Gert Poettering, l'ambassadeur chinois auprès de l'Union européenne, Song Zhe, avait ainsi prévenu que si ce prix devait être attribué à Hu Jia, « cela blesserait les sentiments du peuple chinois et aurait de sérieuses conséquences pour les relations Chine-Union européenne ». Ignorant les pressions de la diplomatie pékinoise, les parlementaires européens ont voté en faveur de ce militant des droits de l'homme qui a été arrêté fin 2007 avant d'être condamné à trois ans et demi de prison pour « subversion ». M. Poettering lui-même a tenu à souligner, jeudi, sous les applaudissements de ses collègues, qu' « en d écernant le prix Sakharov à Hu Jia, le Parlement européen envoie un signal clair de soutien à tous ceux qui défendent les droits de l'homme en Chine ». Pékin a réagi avec aigreur à la nouvelle, comme l'on pouvait s'y attendre au vu des efforts de lobbying - par e-mail, par courrier et par téléphone - déployés ces derniers jours par ses représentants en Europe. « UNE GRAVE INTERFÉRENCE » Le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, Liu Jianchao, a déclaré que la récompense donnée « à un criminel emprisonné en Chine » représentait une « grave interférence dans les affaires chinoises ». Il a cependant pris la précaution d'ajouter, en réponse aux questions des journalistes lors d'une réunion consacrée à la tenue de l'ASEM à Pékin, que le prix donné à Hu Jia « ne devrait pas avoir de conséquences sur le sommet ». Il est vrai que ce 7e sommet réunissant 45 pays asiatiques et européens, qui s'est tenu la première fois en 1996, a vu son agenda initial bouleversé pour cause de crise financière mondiale. Créé à l'origine pour favoriser une meilleure coopération entre les pays des deux continents, ce sommet ne pouvait pas, cette année, limiter son agenda au développement durable et au changement climatique... Le ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi, a prévenu que « la crise financière globale [serait] la première des priorités durant l'ASEM ». « Il est très important que nous dégagions un consensus pour surmonter les difficultés », a-t-il espéré. Le vice-président chinois Xi Jinping, dauphin pressenti de Hu Jintao, actuel chef de l'Etat et patron du Parti communiste chinois (PCC), avait de son côté souligné, mercredi 22 octobre, devant 800 hommes d'affaires asiatiques et européens réunis à Pékin en préparation de l'ASEM, qu'il était crucial de « trouver les moyens d'instaurer un dialogue et une coopération plus solides (...) et de promouvoir les réformes des institutions financières internationales afin de diminuer les risques financiers » . « Il est crucial, avait ajouté le vice-président, d'établir un mécanisme d'alerte financière et de trouver un équilibre entre les produits financiers innovants et l'établissement d'une supervision des institutions financières. » Toutes ces questions, Nicolas Sarkozy ne manquera pas de les aborder devant ses interlocuteurs chinois en tant que président du Conseil européen, lui qui s'est interrogé récemment sur les façons dont les grands pays émergents d'Asie, l'Inde et la Chine, voient l'établissement d'une monnaie internationale, la réforme du Fonds monétaire internationale (FMI), l'utilisation des paradis fiscaux et la constitution des fonds souverains. A Pékin, des analystes économiques remarquent que la Chine, dont le système financier reste pour l'instant encore assez encadré et relativement peu internationalisé, devrait se sentir plus en phase avec les positions européennes en faveur d'une stricte réglementation des marchés financiers. © 2008 SA Le Monde. Tous droits réservés.
INTERNATIONAL - DIPLOMATIE Le septième sommet entre l'Asie et l'Europe s'ouvre en Chine sur fond de crise financière
L'attribution du prix Sakharov à Hu Jia irrite Pékin
Bruno Philip
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