jeudi 6 novembre 2008

INTERNET - Pékin taxe les mondes virtuels - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20295 - Dernière, jeudi, 6 novembre 2008, p. 20

Il n'y a pas que le cours du yuan qui obsède le gouvernement chinois. Le taux de change de la « QQ coin » lui donne aussi des sueurs froides. Cette monnaie fait partie de la douzaine de « devises virtuelles » utilisées par des dizaines de millions d'internautes du pays sur différents sites chinois de jeux, de commerce ou d'échanges. Naviguant, en ligne, dans les aventures de « World of Warcraft », les fans les plus fortunés déboursent ainsi des « pièces d'or », la monnaie locale, pour s'offrir de nouvelles armes leur permettant de progresser plus rapidement dans le jeu. Les utilisateurs de « QQ », le plus gros site de messagerie instantanée du pays, gagnent et dépensent, eux, des « QQ coins » pour acheter des jeux en ligne, des sonneries de téléphone ou des fleurs virtuelles.

Pratiqués dans d'autres pays, ces systèmes monétaires, habituellement organisés en circuit fermé, ont commencé à inquiéter Pékin, l'an dernier, quand les autorités ont repéré les énormes flux d'activité de places de change réelles, où de vrais yuans sont échangés contre des devises virtuelles, en fonction de cours évoluant presque au quotidien. Hier, sur le site de commerce en ligne « Taobao », le taux de change de la « QQ coin » évoluait ainsi entre 0,65 yuan et 1 yuan, en fonction des volumes proposés.

Cette démarche est théoriquement interdite en Chine mais l'an dernier, ces transactions aurait généré plus de 1 milliard d'euros de profits « rééls », selon les experts.

Maintenant un très strict contrôle du taux de change du yuan, les autorités de Pékin voient d'un très mauvais oeil l'explosion de ces nouvelles devises. Elles assurent que ces monnaies pourraient nourrir l'inflation ou servir à du blanchiment d'argent.

Très mobilisé, le gouvernement avait réuni, début 2007, 14 ministères et des représentants de la Banque centrale pour tenter de mettre fin à cette économie parallèle mais ses efforts se sont heurtés à la réactivité des internautes. La semaine dernière, Pékin a changé de tactique. L'administration centrale des impôts se propose désormais d'imposer, à hauteur de 20 %, les revenus des personnes dégageant des profits réels de ces transactions. Un projet que les internautes qualifient déjà de « virtuel ».

YANN ROUSSEAU (À PÉKIN)

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