jeudi 18 décembre 2008

30 ANS DE RÉFORMES - La Chine célèbre trente ans de réformes

Les Echos, no. 20324 - International, jeudi, 18 décembre 2008, p. 8

Pékin célèbre aujourd'hui le lancement, en décembre 1978, de la politique d'ouverture de Deng Xiaoping, qui a permis de faire de la Chine la quatrième puissance économique mondiale. L'actuel ralentissement gâche la fête.

A la mi-décembre 1978, à l'issue d'une longue réunion, à Pékin, du comité central du Parti communiste, personne n'anticipe de nouvelle révolution chinoise. Les quatre jours de débats (du 18 au 22) ont été tendus et les observateurs retiennent surtout l'appel à la fin des affrontements internes entre conservateurs et modernes, qui dévorent l'organisation politique depuis la mort de Mao deux ans plus tôt. On parle bien de « concentration sur le secteur agricole » mais le mot « réforme » n'est cité qu'une seule fois dans le long texte qui est présenté aux masses. Mais cela suffira à bouleverser l'histoire contemporaine de la Chine.

Trente ans plus tard, les autorités célèbrent, aujourd'hui, l'anniversaire du lancement de ce qui est désormais baptisé la « politique d'ouverture » de Deng Xiaoping. Dans les expositions présentées au public dans les grandes villes du pays, de spectaculaires statistiques illustrent la transformation d'une nation presque moyenâgeuse à la fin des années 1970 en une puissance économique mondiale.

Rassurer la population

Dopé par des réformes pragmatiques et graduelles - « Il faut traverser la rivière en tâtant les pierres », disait Deng Xiaoping -, le pays, qui a enregistré depuis 1978 une croissance annuelle moyenne supérieure à 9 %, génère désormais 6 % du produit intérieur brut mondial (PIB) au lieu de seulement 1,8 % il y a trente ans. Plus de 200 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté en un temps record. Le PIB par habitant devrait flirter cette année avec les 3.000 dollars. Assurant près d'un dixième des exportations dans le monde, la Chine est le plus grand producteur mondial de textile, de jouets, d'électroménager mais aussi de produits high-tech.

Martelées sur les grandes chaînes d'Etat, ces performances doivent témoigner de la réussite du Parti communiste chinois, qui a conservé une forme de légitimité tout en ayant renié l'essentiel de ses préceptes marxistes-léninistes, mais également rassurer une population anormalement angoissée par la crise économique mondiale.

Depuis septembre, la Chine est inquiète. Après avoir longtemps cru à son immunité contre le ralentissement mondial, le pays redoute d'enregistrer, l'an prochain, l'une des pires croissances des vingt dernières années. La Banque mondiale affirme que le PIB chinois ne pourrait progresser que de 7,5 % en 2009. Les entreprises tournées vers l'export, qui assurent une large part du PIB (38,8 % contre 48,8 % pour la consommation publique et privée) sont malmenées par la baisse de la demande en Europe et aux Etats-Unis. Pour la première fois depuis 2001, le pays a même enregistré une baisse de ses exportations au mois de novembre et des milliers d'usines ne fonctionnant qu'avec des marges faibles ont dû brutalement fermer leurs portes ces dernières semaines, notamment dans le sud-est du pays.









Climat social dégradé

Hier, le « Quotidien du peuple » s'inquiétait ouvertement de la dégradation du climat social. La situation de l'emploi pourrait être pire que dans les années 1990, estime le journal du Parti. Dans les mois qui viennent, près d'un million de jeunes diplômés ne trouvant pas d'emploi pourraient, cette fois, venir ajouter leur mécontentement à celui des ouvriers.

Face à ces menaces, Pékin continue de louer son activisme. Mardi soir, devant Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, de passage à Pékin, le Premier ministre, Wen Jiabao, a rappelé que le gouvernement avait déjà déployé un plan de relance de 4.000 milliards de yuans (un peu plus de 400 milliards d'euros) et allait concentrer ses efforts sur l'élévation du niveau de vie de la population, notamment dans les provinces rurales. « A terme, nous voulons que la consommation soutienne le développement économique », a-t-il insisté avant de plaider, comme Deng Xiaoping il y a trente ans, pour des réformes « graduelles ». Avec une devise non encore totalement convertible, des prix de l'essence, de l'eau et de l'électricité toujours sous contrôle de l'Etat et des mastodontes publics gardant la main sur plusieurs secteurs clefs de l'économie (télécoms, finance, énergie, médias...), le pays a encore beaucoup à faire.

Encadré(s) : Une montée en puissance de trois décennies

1978. Le Parti communiste chinois évoque le besoin de « réforme »et envisage la décollectivisationde la terre dans les campagnes.1980. Création de zones économiques spéciales (Zhuhai, Shenzhen, Shantou et Xiamen),où les investissements étrangers sont autorisés.1989. Dans la nuit du 3 au 4 juin, l'Armée populaire de libération (APL) écrase les mouvements contestataires place Tiananmen. Les pays européens et les Etats-Unis adoptent une série de sanctions.1990. Ouverture de la Boursede Shanghai.1993. Le concept d'« économie socialiste de marché » est inscrit dans la nouvelle Constitution chinoise.1997. Mort de Deng Xiaoping.En juillet, Hong Kong est rétrocédé à la Chine.2001. La Chine est admiseà l'OMC.2002. Hu Jintao est nommé secrétaire général du PCC.Les statuts du Parti sont amendés pour permettre l'entrée d'entrepreneurs privés au seindes instances de l'organisation.2003. La Chine envoie son premier homme dans l'espace.2008. Pékin organise les jeux Olympiques.

YANN ROUSSEAU

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