Touchée par la crise mondiale, la Chine espère redynamiser sa croissance en encourageant la consommation domestique, mais les ménages hésitent à puiser dans leurs économies mises de côté pour prévenir les problèmes de santé.
L'Etat s'est peu à peu désengagé du système de santé.
Inquiètes du ralentissement de la demande internationale pour les produits « made in China », les autorités de Pékin annoncent qu'elles veulent relancer la consommation domestique en convainquant les ménages de puiser dans leurs 3.000 milliards de dollars d'épargne. Mais la population rechigne à sortir ses économies mises de côté en prévention d'un coup dur. Dans les enquêtes d'opinion, les sondés évoquent presque toujours la menace des problèmes de santé pour justifier leur prudence. « Pour changer les habitudes, une profonde réorganisation du système de santé est urgente », martèle Hubert Stüker, l'un des responsables du projet de coopération sino-européen pour le développement de la sécurité sociale chinoise.
Stratégies de profit
Si, sous le règne de Mao, tous les Chinois bénéficiaient d'un système de santé rudimentaire mais gratuit, pris en charge par les communes populaires dans les campagnes et par les entreprises d'Etat dans les villes, les réformes économiques et la politique d'ouverture, dont le pays célèbre aujourd'hui le trentième anniversaire, ont fait exploser cette solidarité. Avec la libéralisation de l'économie, l'Etat s'est peu à peu désengagé du système et les ménages se retrouvent désormais presque seuls pour faire face à leurs dépenses de santé.
La participation de l'Etat au financement des hôpitaux, où se soignent la plupart des Chinois, est ainsi tombée de 100 % au début des années 1980 à moins de 10 % aujourd'hui. « C'est un service public totalement privatisé », explique Hubert Stüker. Faute de financements publics, les établissements ont développé des stratégies de survie puis de profit. Ils proposent des consultations tarifées en fonction de l'expérience du médecin et poussent les patients à multiplier les examens et les procédures. Ils prescrivent à chaque visite des listes interminables de médicaments à acheter dans la pharmacie de l'hôpital - une entorse du poignet peut ainsi justifier l'achat de sept produits différents - et presque toujours des antibiotiques, facturés 20 fois leur coût de revient. Les statistiques du ministère de la Santé montrent que la vente d'antibiotiques compte pour plus de 50 % des factures des patients, qui refusent désormais de se faire soigner de peur de se faire escroquer.
« Résistance à la réforme »
Conscient de ces dérapages, Pékin a tenté plusieurs réformes pour rassurer sa population. Dans les villes, les travailleurs peuvent théoriquement cotiser avec leur entreprise sur un compte individuel qui leur permet de disposer d'une prise en charge minimale variant en fonction des soins et des médicaments prescrits. A la campagne, les 800 millions de ruraux bénéficient presque tous du système médical coopératif rural lancé en 2004. Les familles cotisent 10 yuans (90 centimes d'euro) par an à un fonds auquel le gouvernement local et le gouvernement central versent chacun 40 yuans par famille. Mais cette assurance ne couvre que peu de soins et les taux de remboursement ne sont en moyenne que de 30 % ou 40 %.
Pour ne pas avoir à « encaisser » la différence, les hôpitaux exigent le paiement d'une grande partie ou de la totalité des soins en avance dès l'arrivée des malades dans l'établissement. Ne disposant pas de ces sommes, des centaines de millions de Chinois se retrouvent privés de soins, faute de ressources. « La perspective du vieillissement accéléré de la population rend ce problème encore plus prégnant mais les résistances à la réforme sont toujours fortes », pointe Hubert Stüker. Après avoir dû s'adapter à l'« ouverture économique », les hôpitaux et les collectivités locales qui les contrôlent voient d'un mauvais oeil toute remise en question d'un système qui fait leur fortune.
YANN ROUSSEAU
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