La direction de Wal-Mart, numéro un mondial des hypermarchés, dit vouloir rectifier les faiblesses de sa chaîne logistique en Chine. Le 22 octobre, Lee Scott, le PDG partant, Mike Duke, son successeur désigné, et Ed Chan, le patron des activités chinoises de Wal-Mart, ont réuni à Pékin plus de 1 000 fournisseurs, représentants du gouvernement chinois et militants d'associations, pour leur présenter les nouvelles règles du jeu. Les jouets dangereux " made in China ", les dentifrices à l'antigel, les laits pour bébé contaminés par la mélamine... ont choqué le consommateur américain. Et la direction du groupe Wal-Mart, très présent en Chine - il y a près de 20 000 fournisseurs directs, 118 magasins, et une participation de 35 % dans les enseignes TrustMart -, tient à prendre ses distances vis-à-vis de ces mauvais sous-traitants. Lee Scott l'a dit et répété ce fameux 22 octobre : " Pour garder la confiance de nos clients aujourd'hui et demain, il faut améliorer les usines de nos fournisseurs et la qualité de leurs produits. " Et de poursuivre : " Les compagnies qui trichent sur les heures supplémentaires, jettent les déchets chimiques dans les rivières, ne paient pas leurs impôts... vont tricher sur la qualité de leurs produits, et nous ne le tolérerons pas. "
Pour tenir ces objectifs, Mike Duke promet des contrôles renforcés dans les usines sous-traitantes. Il y aura, a-t-il assuré, des audits surprises réalisés par des professionnels indépendants de Wal-Mart. Les fournisseurs devront dès 2009 travailler dans la " transparence " et livrer à Wal-Mart les noms et les adresses de leurs propres fournisseurs. La direction de Wal-Mart exige enfin qu'en 2012 les retours de marchandises défectueuses aient disparu : si le fournisseur ne s'adapte pas, il perdra les énormes volumes de commandes de Wal-Mart.
Cette nouvelle politique a séduit Andrew Hutson, le représentant d'Environmental Defense Fund (EDF), un groupe écologique en réalité proche de Wal-Mart, d'ailleurs installé depuis plus d'un an à Bentonville, dans l'Arkansas, où se situe le siège de l'enseigne. Andrew Hutson était à Pékin. " C'est un grand pas dans la bonne direction ", assure-t-il. Jusqu'à présent, " les représentants de Wal-Mart recherchaient les prix les plus bas. Ils ne géraient pas leur chaîne logistique, explique-t-il. Mais maintenant ils vont s'intéresser au cycle de vie du produit, ils vont savoir d'où viennent tous les composants. "
Pour que ce nouveau système fonctionne, poursuit M. Hutson, Wal-Mart devra établir des relations plus fortes avec ses fournisseurs. " Il faudra créer un lien de confiance et de fidélité, sans doute avec un nombre plus réduit de fournisseurs, dit- il. Ce réseau plus compétent, plus efficace, sera plus petit. "
Jeff Karenbauer, patron du cabinet de consultants Insight, expert en logistique, salue lui aussi l'initiative de Wal-Mart. " C'est une bonne idée de confier les audits a des indépendants, juge-t-il. Ils sont en Chine, ils connaissent la culture et la réglementation locale. " Mais il ajoute : " Pour être sûr que les nouveaux standards entrent en pratique, il faudra inclure dans les contrats des pénalités pour les renvois de marchandises. " " Je veux donner à Wal-Mart le bénéfice du doute, conclut M. Karenbauer. L'amélioration de la qualité des produits est, à long terme, dans l'intérêt de tous. "
Eric Dirnbach, coordinateur du syndicat de l'habillement Unite Here, se révèle en revanche plus sceptique. Les nouveaux objectifs de Wal-Mart " ont l'air bien, et sonnent bien ", admet-il. Mais pour les mettre en pratique, " il faudra payer. C'est la politique des plus bas prix qui pousse les fournisseurs à tricher. Si on les paie mieux, leur production s'améliorera et on pourra dire que Wal-Mart a mis en place un vrai programme. " Sinon, " cette réunion de Pékin n'aura été qu'une opération de relations publiques ".
Eric Bull, porte-parole de Wal-Mart Watch, une organisation très critique de l'entreprise, est sur la même longueur d'onde. " De temps à autre, dit-il, Wal-Mart se fait de la publicité en prétendant nettoyer son réseau de fournisseurs. Pourtant, les scandales continuent d'éclater régulièrement sur les sweat shops - "ateliers de la sueur" - et les dommages écologiques. "
C'est ainsi, souligne-t-il, qu'au mois d'octobre, juste avant la réunion de Pékin, la presse a évoqué le triste sort des ouvriers d'une usine de JMS Garments, fabricant de vêtements au Bangladesh. Ce fournisseur de Wal-Mart faisait trimer ses ouvriers dix-neuf heures par jour, pour 20 dollars par mois. Eric Bull en est persuadé, le vrai changement passe par des prix plus élevés.
Caroline Talbot
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