Fauteuils qui démangent, jouets qui intoxiquent, médicaments qui tuent... La liste des produits chinois non conformes ou carrément dangereux ne cesse de s'allonger. Le nouvel atelier du monde doit apprendre à concilier quantité, prix bas et qualité.
Simple coïncidence ou discret avertissement à la suite des menaces de Pékin de boycottage des produits français ? Le 5 décembre, les Douanes et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se sont abattues sur Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
L'opération « Dragon » - cela ne s'invente pas ! - visait à contrôler la qualité de certains produits chinois importés - jouets, guirlandes électriques, articles de puériculture et vêtements. Le raid était destiné à rassurer les Français à la veille des fêtes. Ces derniers temps, entre le lait qui tue, les fauteuils qui irritent, les chaussures qui grattent et les joujoux qui étouffent, les consommateurs ont appris à se méfier du made in China.
Difficile d'y échapper. En une décennie, l'empire du Milieu est devenu un atelier mondial incontournable. En 2007, il a assuré environ 16 % des importations européennes et 6,3 % des achats français. Un chiffre trompeur : les fabricants chinois dominent, de la taille et des épaules, certains secteurs, comme les jouets (63 % des ventes hexagonales) ou le petit matériel électroménager.
Dès lors, pas étonnant que des produits frelatés se glissent dans les millions de conteneurs que la Chine déverse chaque année sur les quais des ports occidentaux. Sur les 1 605 notifications de retrait ou de destruction publiées en 2007 par le système européen d'alerte rapide (Rapex), 1 sur 2 concernait un objet fabriqué en Chine.
Paris ne veut pas affoler les populations. La Chine serait, pourtant, à l'origine de la moitié des alertes concernant les produits manufacturés et de 15 % des alarmes alimentaires. Tout le monde reconnaît la rigueur des contrôleurs. Mais leur système, très pointu, de recoupement des données (provenance, pedigree des importateurs et des fabricants, etc.) n'empêche pas certaines pièces douteuses de leur échapper. « Tant qu'on laissera de tout petits importateurs travailler en funambules, il y aura des problèmes », affirme un expert. Pensez donc ! Même les poids lourds de l'importation savent qu'il ne faut jamais baisser la garde. D'évidence, les poids plume, eux, n'ont pas les moyens d'aller sur place ou de se payer les services de sociétés spécialisées dans le contrôle, comme AsiaInspection. Réduits, dès lors, à faire confiance - exercice très périlleux, compte tenu du tissu industriel chinois.
« Si vous ne vous montrez pas, tout peut partir très vite à vau-l'eau », commente Sébastien Breteau, fondateur d'AsiaInspection. De fait, le respect intégral des normes n'est pas encore inscrit dans la mentalité chinoise : « Il y a toute une éducation à faire en amont. Si les Chinois respectent 95 % du cahier des charges, ils ne voient pas, naturellement, pourquoi ils dépenseraient davantage pour monter à 100 % », pointe un spécialiste. Et nul n'est à l'abri d'une défaillance - innocente ou due à la cupidité - du sous-traitant du sous-traitant.
Les acheteurs les plus fragiles sont d'autant plus vulnérables qu'ils sont, comme les autres, légalement responsables de la mise sur le marché. En cas de pépin, ils courent donc le risque de rester avec une marchandise - payée d'avance mais invendable - sur les bras. Certains tentent donc leur chance. A ce titre, les ports du nord de l'Europe, comme Anvers ou Rotterdam, seraient moins regardants que Le Havre et, d'un coup de camion, la marchandise non conforme peut se retrouver dans une solderie en France, sans parler de pays plus accueillants, dit-on, comme l'Espagne, la Grèce ou ceux du Maghreb.
Quoi qu'il en soit, Pékin paraît désireux de restaurer son image de marque. Le 17 novembre dernier, à Bruxelles, la Chine s'est entendue avec les Etats-Unis et l'Union européenne pour développer la conformité et la sécurité du made in China.Il est vrai que, pour la première fois depuis 2001, les exportations chinoises accusent le coup.
Temps de cochon pour l'héparine
80 décès en avril 2008 aux Etats-Unis : en mai, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a bloqué les médicaments anticoagulants à base de fausse héparine chinoise. L'héparine de bonne qualité est extraite des muqueuses intestinales du cochon. Mais, à la suite d'épidémies dans les porcheries, la production chinoise avait fortement chuté en 2007. Pour compenser, certains producteurs ont donc employé des extraits de trachée et de cartilage d'autres animaux, qu'ils ont assaisonnés d'acide sulfurique. Ce qui donnait à ces composants les mêmes pouvoirs que l'héparine, mais au prix d'effets secondaires meurtriers.
Au regard de cette tricherie mortelle, le retrait, en 2007, de pâtes dentifrices - contenant de l'antigel ! - est de la petite bière.
Mélamine : le scandale permanent
Heureusement, rien n'est comparable au scandale, en Chine, du lait infantile plombé à la mélamine, une résine toxique utilisée dans les plastiques, qui peut également renforcer artificiellement la teneur d'un aliment en protéines. La récente découverte, en France, de 293 tonnes de tourteaux de soja frelatés prouve, cependant, que le trafic mafieux continue. Pour le reste, l'augmentation des importations alimentaires - asperges, fraises, surgelés, coulis de tomates ou bases de confitures - amène son lot d'alertes et de retraits. Plus inquiétant : alors que le Grenelle de l'environnement s'est engagé à diminuer de moitié les pesticides (nuisibles à la santé), les paysans chinois en utiliseraient cinq fois plus que les français.
La panoplie du petit chimiste
La vache rose marrante avec ses cornes vertes qui servait de sac à dos a été priée d'aller brouter ailleurs : une de ses poches, en plastique, contenait infiniment plus de phtalates, nuisibles à la croissance, qu'il n'était permis. Depuis trois mois, la DGCCRF a déjà obtenu le retrait d'une vingtaine de jouetsmade in China. Certes, après les rappels massifs, en 2007, de produits non conformes, les industriels (Mattel, Hasbro et Disney en tête) ont sécurisé leurs usines chinoises. Mais il reste toujours possible de trouver des brèches en démarchant sur Internet un petit fabricant pas cher qui souhaite, lui aussi, gagner sa vie.
Meubles, lunettes, chaussures : la petite boutique des horreurs
Adieu les fauteuils qui grattent « grave » chez Conforama ou les chaussures qui filent des boutons chez Etam ! Bonne nouvelle : le diméthyle fumarate (DMF), à la base de ces sérieux ennuis de santé, est désormais interdit. D'autres fronts sont ouverts : la DGCCRF a ainsi retiré cette guirlande et ses 40 fleurs multicolores qui vous électrocutent et vous brûlent. Elle a aussi arrêté la vente du lecteur de DVD qui vous fait vivrePiège de feu en direct. Mais les malfaçons chinoises concernent aussi bien les fourches de bicyclette en carbone qui cassent que les machines de massage transformées en chaises électriques ou les colles à base de chloroforme qui scotchent les poumons. Il y a aussi ces lunettes de soleil qui mélangent les couleurs. Sauf le jaune d'or ?
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