Le journal de la Ligue de la jeunesse s'intéresse aux raisons qui conduisent les jeunes à renoncer à la vie : repli sur soi, immaturité, compétition, difficultés financières...
Le 11 octobre, une étudiante d'une école supérieure de Nankin [ville du centre-est de la Chine] s'est donné la mort. Deux jours auparavant, un doctorant s'était jeté du toit de sa résidence universitaire ; un mois auparavant, un autre étudiant s'était pendu. Le 30 septembre, une étudiante d'une université réputée de cette ville s'était défenestrée à son domicile. Si l'on en croit une étude sur les suicides menée dans seize établissements supérieurs chinois, il existe parmi les étudiants un effet de contagion. Rien qu'à Pékin, on a enregistré plus de vingt suicides au cours du seul printemps 2007. Le Pr Shen Yongjian, responsable du Centre d'assistance psychologique au sein de la faculté de médecine et de pharmacologie de Nankin, explique que les étudiants constituent un groupe à haut risque. Le taux de suicide y est deux à quatre fois plus élevé que dans le reste de la population. Ce taux a en outre tendance à augmenter. Il est clair qu'il existe un effet boule de neige. Un étudiant à tendance suicidaire qui apprend qu'un de ses camarades a mis fin à ses jours risque fort de l'imiter. Selon Shen Yongjian, ces deux dernières années, les problèmes psychologiques dont souffre la population estudiantine se sont aggravés. De 18 % à 25 % d'entre eux souffriraient de blocages psychologiques.
Plusieurs experts avancent six grandes causes de suicide chez les étudiants. Premièrement, "une mauvaise adaptation au cadre universitaire et des difficultés à établir des relations sociales sont des problèmes assez fréquents", affirme Cao Jiaping, enseignant au Centre pour l'éducation à la santé mentale de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Nankin. Nombre d'étudiants peinent à s'habituer à leur nouvel environnement. Par rapport au lycée, certains se plaignent d'une vie sociale ayant perdu de sa "pureté" au profit de relations intéressées. Faute de trouver quelqu'un à qui se confier, ils se replieraient sur eux-mêmes. Deuxièmement, leur impréparation à l'indépendance constitue également un facteur majeur de troubles psychologiques. Comme le souligne Ji Chunhong, assistant à l'ENS de Nankin, la plupart des étudiants sont, de nos jours, des enfants uniques. Chez eux, leurs parents s'occupent de tout. En quittant le foyer familial, ils se retrouvent brutalement assaillis par quantité de petits problèmes. Certains se révèlent incapables de se débrouiller seuls dans le quotidien, d'où un terrain favorable à de graves déséquilibres psychiques.
Ceux-ci peuvent aussi s'expliquer par l'accentuation de la concurrence dans la société et de la pression pour trouver un emploi. C'est le troisième point. Shen Yongjian estime qu'avec l'accélération du rythme général de la vie les étudiants manquent de capacité d'adaptation et que nombre d'entre eux hésitent sur leurs envies et orientations professionnelles. Certains redoutent même le moment où ils devront quitter le campus pour partir en quête d'un emploi, de crainte d'essuyer des revers.
L'esprit de compétition sévit dans la société
Quatrièmement, les difficultés financières rencontrées par leur famille pourraient être à l'origine de suicides d'étudiants. Certains jeunes issus de familles défavorisées doivent jongler entre plusieurs petits boulots pour payer leur scolarité, ce qui a des conséquences sur leur assiduité et les place dans une situation stressante. Le fossé entre riches et pauvres ne fait que s'élargir. Des étudiants sans le sou en côtoient d'autres qui vivent dans l'aisance et le confort. Cette situation, ajoutée à l'esprit de compétition qui sévit dans notre société, peut provoquer de graves déséquilibres psychiques chez ces jeunes. Cinquièmement, des échecs sentimentaux peuvent conduire à des comportements extrêmes chez les étudiants. Enfin, des étudiants cherchent à se donner la mort parce qu'ils ne parviennent pas à trouver un sens à la vie et ne réalisent pas toute la valeur de celle-ci.
En matière de santé mentale, le principal problème auquel se heurtent actuellement les établissements d'enseignement supérieur est le manque de personnel qualifié. Ainsi, la faculté de médecine et de pharmacologie de Nankin ne compte que quatre enseignants chargés du soutien psychologique, douze autres enseignants de la section de psychiatrie n'assurant ce type de mission qu'à temps partiel. L'ENS de Nankin n'emploie que quatre psychologues chargés du soutien psychologique, soit 1 pour 10 000 étudiants ! Au cours de notre enquête dans plusieurs établissements universitaires, nous nous sommes heurtés au refus des directions de répondre à nos questions, sous prétexte qu'elles touchaient à un sujet trop sensible. En interrogeant plusieurs étudiants au hasard, nous nous sommes aperçus que la plupart d'entre eux ignoraient où se trouvait le centre d'aide psychologique. Pour Cao Jiaping, "l'éducation à la santé psychologique des étudiants doit faire l'objet d'une attention particulière aussi bien de la part des autorités de tutelle et des établissements d'enseignement supérieur que des chefs de famille et des différents organismes sociaux. Des cours de psychologie devraient figurer parmi les matières obligatoires pour les étudiants."
PHOTO - Une jeune étudiante pleure à l'annonce de la mort de quatre de ses camarades lors d'un incident survenu dans un dortoir de l'Université de Shanghaï, octobre 2008 / Getty Images
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