Davos s'interroge sur les chances de succès d'Obama
ABSENTS de Davos, Barack Obama et l'ensemble de son Administration n'en sont pas moins perçus comme des héros dont on attend des miracles. Venu remplacer au pied levé Lawrence Summers et James Jones, les conseillers de la Maison-Blanche pour l'économie et la sécurité, l'ancien président Bill Clinton a reconnu que la tâche de son successeur est « d'une complexité époustouflante ».
Il existe un risque que les plans de stimulation budgétaire, y compris les 800 milliards de dollars d'Obama « ne débouchent sur rien », a averti Trevor Manuel, le ministre d'Afrique du Sud, lors d'un débat sur les perspectives 2009. Question iconoclaste, mais qui devient de bon sens dès que l'on met en parallèle les forces dépressives que les programmes de relance sont censés compenser.
Le problème est limpide : « Le monde peut-il vivre avec un consommateur américain frugal ? ». Selon les chiffres mis en avant lors de ce séminaire, il apparaît que les 300 millions de consommateurs des États-Unis contribuent à eux seuls au quart de la demande mondiale. C'est trois fois plus que les achats des 2,4 milliards de Chinois et d'Indiens réunis. Il est donc exclu d'imaginer que ces derniers puissent prendre le relais des premiers, a insisté Zhu Min, le vice-président exécutif de la Bank of China, une banque commerciale entièrement propriété de l'État.
Face aux 10 000 milliards de dollars dépensés l'an dernier par les ménages aux États-Unis, le budget annuel des consommateurs chinois, de l'ordre de 1 500 milliards de dollars, ne fait pas le poids. Or il faut s'attendre d'ici un à deux ans à ce que les Américains réduisent de 1 000 milliards leurs achats, selon les calculs de Zhu Min. Cela en raison à la fois de la montée du chômage et du désendettement absolument nécessaires des ménages outre-Atlantique.
De là à penser que les 800 milliards de dollars de crédit budgétaire du plan Obama ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, la crainte n'est pas infondée. « Les emprunts bancaires seront très importants dans le rétablissement général, bien plus que les investissements publics », a affirmé Bill Clinton. Et de rappeler que les banques américaines ont actuellement quelque 600 milliards de dépôts auprès de la Banque de réserve fédérale, pour ainsi dire gelés faute de confiance, au lieu de servir à distribuer des crédits.
« Le divorce impossible »
Une chose est sûre, la stratégie de relance sur le point de se déployer à Washington ne suffira pas à elle seule. « On ne pourra sortir de la crise sans le soutien de la Chine et des pays qui disposent de liquidités. Cette crise financière prouve que l'interdépendance mondiale est la chose la plus importante. Le divorce n'est pas possible », a admis crûment Bill Clinton. Il fait allusion aux centaines de milliards de dollars d'achats de bons du Trésor par Pékin. Ce flux de financement pourrait-il venir à se tarir ?
Pour le moment cette tendance ne se dessine pas le moins du monde si l'on en juge l'étonnante résilience du dollar. La plupart des économistes ici présents, tel Alan Blinder, professeur d'économie à Princeton, et ancien gouverneur de la Fed, attribue cette solidité du billet vert à sa fonction de valeur refuge en période de crise globale.
Pour sa part Wen Jiabao, le premier ministre chinois, n'a nullement brandi, même indirectement, la menace de cessation des achats de titres publics américains. Mercredi soir, lors de son allocution spéciale au Forum 2009, il a affirmé « l'impératif de la coopération internationale en période de crise. Toute confrontation ne ferait que des perdants dans le monde entier, au-delà du cadre bilatéral (sino-américain) ». Malgré tout il a tenu à demander « une plus grande surveillance des pays à monnaie de réserve ». En clair, l'Europe et plus encore les États-Unis, dont la prépondérance reste incontestée à cet égard.
Sans s'être concerté avec son homologue chinois, Vladimir Poutine, le premier ministre russe, a stigmatisé « la dépendance excessive vis-à-vis d'une monnaie unique de réserve, ce qui n'est pas sain ». Ces remises en cause de la suprématie du dollar émanant des chefs de gouvernement des deux émergents les plus puissants expriment en réalité une récrimination assez largement répandue vis-à-vis des États-Unis, notamment en période de crise.
Robin, Jean-Pierre
De gauche à droite : Raila Odinga, premier ministre du kenya, Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Iraq, Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, Christiane Amanpour, rédactrice en chef à CNN International, Manouchehr Mottaki, ministre iranien des Affaires étrangères, Abdul Rahim Wardak, ministre de la Défense afghan et Mohamed El Baradei, directeur de l'Agence internationale à l'énergie atomique.
C.Hartmann/Reuters
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