vendredi 16 janvier 2009

DIPLOMATIE - La Chine renoue avec toute l'Europe... sauf la France

Le Figaro, no. 20051 - Le Figaro, vendredi, 16 janvier

La rencontre entre le dalaï-lama et Nicolas Sarkozy en Pologne, en décembre dernier, continue à compliquer les relations entre Paris et Pékin.

C'EST UN VÉRITABLE tour de France que va bientôt effectuer le premier ministre chinois. Plus exactement, un tour de la France par l'extérieur, puisque Wen Jiabao va se promener dans une cascade de pays voisins, sans franchir la frontière. Le signal est clair, Pékin entend renouer avec toute l'Europe, sauf la France. La tournée européenne du premier ministre chinois va commencer le 28 janvier en Suisse, à Davos, où Wen Jiabao devrait avoir les honneurs des discours d'ouverture du grand raout économique mondial. Puis, il va prendre la route et sillonner la vieille Europe, à l'est, au sud, au nord de Paris, avec un parcours qui a des allures de joli pied de nez. Il y aura l'Allemagne, puis Bruxelles, l'Espagne et enfin la Grande-Bretagne. À chaque fois, un menu très économique et les stylos sont prêts à sortir des fourreaux pour les contrats. Les sujets qui fâchent devraient être sagement laissés de côté.

L'étape bruxelloise sera très codée. Il devrait s'y jouer une miniséance de rattrapage du sommet Europe-Chine annulé par Pékin début décembre en raison de la rencontre prévue quelques jours plus tard entre Nicolas Sarkozy et le dalaï-lama en Pologne. Le sommet de Lyon, donc, mais pas en France et sans les Français... Le premier ministre chinois devrait ainsi rencontrer José Manuel Barroso et les commissaires au grand complet. On peut aussi imaginer que la présidence tchèque de l'Union soit associée aux retrouvailles.

Pour la Chine, cette présidence tchèque de l'UE s'annonce sous de riants auspices, alors qu'elle aurait pu redouter des « chicayas » avec un pays sourcilleux sur les droits de l'homme et méfiant avec les régimes communistes. On a vu, hier, l'ambassadeur tchèque à Pékin jouer les bons élèves amicaux en contrepoint des trublions français. Vitezslav Grepi a assuré que les responsables tchèques ne rencontreraient pas le dalaï-lama durant les six mois de la présidence européenne. « Nous comprenons que c'est un sujet extrêmement sensible, a-t-il déclaré, et donc, durant notre présidence, nos actes seront en accord avec ces sentiments. » Sous-entendu, nous ne ferons pas comme Nicolas Sarkozy, qui avait encore sa casquette européenne pendant la rencontre de Gdansk. La sortie n'en reste pas moins savoureuse quand on se souvient que le dalaï-lama était en République tchèque il y a un mois, pour y rencontrer le premier ministre, Mirek Topolanek. De cela, Pékin ne semble pas tenir ombrage.

Les limites de la solidarité européenne

Quand il s'agit de traiter avec la 3e économie mondiale - rang nouvellement acquis -, la solidarité européenne a ses limites. L'ambassadeur de l'UE à Pékin, Serge Abou, a cependant appelé hier à un règlement rapide du conflit franco-chinois, estimant qu'il « n'est pas sain qu'un État membre important ait un problème avec la Chine ». Pour l'heure, Pékin campe sur sa position. Le ministère chinois des Affaires étrangères a encore exhorté, mardi, Paris à « prendre des mesures concrètes pour corriger sa mauvaise approche des questions tibétaines ». Les relations diplomatiques bilatérales sont totalement gelées. Et côté économie, s'il n'y a pas encore de drames, les hommes d'affaires français ont le plus grand mal à obtenir des rendez-vous « politiques ».

L'Élysée, que l'on voit mal envoyer des excuses à Pékin, veut cependant profiter de la fin du mois pour mettre un peu de baume. Profitant du Nouvel An chinois et du 45e anniversaire de la reconnaissance de la République populaire par le général de Gaulle, l'Élysée a prévu le 27 janvier une « journée chinoise », avec exposition, réception et discours présidentiel. Il n'est pas sûr que cela suffise et le coup de froid risque fort de résister au printemps qui vient.

De La Grange, Arnaud

PHOTO - Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, et Nicolas Sarkozy au sommet de l'Asem, à Pékin, en octobre dernier. Peer Grimm/EPA/Corbis

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