Après avoir englouti des milliards de dollars dans la débâcle des subprimes, certaines grandes banques étrangères tentent de se refaire une santé... en Chine. C'est le cas de Royal Bank of Scotland (RBS) : contrôlée par l'Etat britannique depuis octobre 2008, celle-ci a mis en vente auprès d'investisseurs institutionnels à Hongkong, mardi 13 janvier, les 4,3 % qu'elle détient dans le capital de Bank of China, la deuxième plus grande banque chinoise, depuis 2005.
Selon les estimations des analystes, l'opération devrait engendrer une plus-value de près de 800 millions de dollars (608,7 millions d'euros), malgré une chute de près de 44 % de l'action de Bank of China à la Bourse de Hongkong en 2008.
Stephen Hester, l'homme choisi par Londres pour remettre à flot la plus ancienne institution de crédit britannique, avait eu la courtoisie de se rendre à Pékin début janvier pour informer de ses intentions le gouvernement chinois (Bank of China est une banque d'Etat). Les rumeurs d'une vente imminente de la part de RBS avaient poussé le titre chinois à la baisse.
D'autres actionnaires de renom moins scrupuleux ont engrangé encore plus vite leurs plus-values depuis l'expiration, fin 2008, de la période de trois ans de blocage de leurs participations, pour les investisseurs étrangers invités en 2005 et 2006 au capital des grandes banques chinoises : le 31 décembre 2008, la banque suisse UBS fut la première à s'exécuter en cédant l'intégralité de ses parts dans Bank of China, suivie début janvier par Li Ka-shing. Le magnat de Hongkong, qui fait partie du pool de cinq investisseurs constitué autour de RBS, aurait réalisé 218 millions de dollars de plus-values en vendant au profit de sa fondation philanthropique une fraction de sa part dans Bank of China. UBS aurait réalisé de son côté une plus-value d'environ 300 millions de dollars.
Le 7 janvier, c'était autour de Bank of America de réduire son engagement dans la China Construction Bank d'un peu moins de 3 %.
Les autorités chinoises se veulent pour l'instant rassurantes : " L'impact - de ces ventes - est limité et sous contrôle, et n'affectera pas le ratio de solvabilité (...) des banques publiques chinoises ni la stabilité du système financier - chinois - dans son ensemble " pouvait-on lire lundi dans une dépêche de l'agence Xinhua.
Selon l'hebdomadaire chinois Economic Observer, le gouvernement aurait toutefois sollicité une réunion d'urgence le 8 janvier pour réfléchir à des solutions, comme le rachat d'actions par les investisseurs institutionnels chinois.
SAVOIR-FAIRE ET ARGENT FRAIS
En 2005-2006, Pékin avait purgé ses grandes banques publiques de leurs mauvaises créances et décrété l'ouverture de leur capital aux investisseurs étrangers afin d'injecter de l'argent frais, du savoir-faire et de la concurrence dans un secteur bancaire archaïque.
Les grandes banques avaient été ensuite introduites en Bourse sur les marchés de Hongkong puis de Shanghaï dans une atmosphère d'euphorie, avec des périodes de blocage d'environ trois ans pour les investisseurs stratégiques.
Attirées par un marché en pleine croissance, les banques étrangères ont investi quelque 25 milliards de dollars en Chine. Goldman Sachs est ainsi actionnaire de Industrial and Commercial Bank of China, Citibank de Shanghai Pudong Development Bank, HSBC de Bank of Communications. BNP Paribas détient 12,6 % de Bank of Nanjing et n'a pas l'intention, selon nos sources, de changer de stratégie.
" Seules les banques étrangères réellement en difficulté semblent se désengager, comme UBS et RBS ", souligne, à Pékin, un expert du secteur. Bank of America, qui est relativement en bonne santé, détient en réalité une plus grande part de China Construction Bank qu'auparavant : en novembre 2008, elle a d'abord exercé une option lui permettant de doubler sa part à un cours avantageux (avec une période de blocage jusqu'à 2011), puis cédé début janvier une partie des actions acquises il y a trois ans. HSBC a annoncé qu'elle maintiendrait ses investissements en Chine.
Or, avec la crise financière, la Chine semble peut-être moins pressée de faire courir à ses épargnants des risques inconsidérés en cédant aux sirènes d'experts étrangers dont la crédibilité est écornée. Pékin pourrait aussi être tenté de se faire plus protecteur envers ses banques, qui doivent financer ses plans de relance.
Fin décembre 2008, une trentaine de banques étrangères ont signé une pétition à l'intention de Pékin pour demander la révision d'une nouvelle taxe rétroactive sur les intérêts que paient leurs succursales en Chine sur les prêts consentis par leurs maisons mères à l'étranger.
Les banques étrangères, qui n'ont pas directement accès aux déposants chinois et doivent donc se financer en dehors de Chine, ont eu beau jeu de prévenir que l'impôt allait " exacerber les effets de la crise financière globale ".
Brice Pedroletti
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