ENTRETIEN AVEC JEAN-JOSEPH BOILLOT, ÉCONOMISTE. Propos recueillis par Brigitte Perucca
Economiste et proche du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), vous avez réalisé en 2007 et 2008 deux voyages d'études en Chine puis en Inde auprès des entreprises de ces pays. Sur quels facteurs s'appuie l'augmentation massive des dépenses de recherche et développement constatée en Asie ?
- Le glissement vers l'Asie - la Chine en particulier - de la part des dépenses de recherche et développement est la combinaison de deux processus : celui de la maturité des différentes économies qui aboutit à ce que, progressivement, les pays est-asiatiques remontent la chaîne de valeur ajoutée et celui de la mondialisation.
Les deux phénomènes se conjuguent en Chine. Les fermetures d'usines auxquelles on a pu assister ne sont pas le produit de la crise mais celui d'une volonté politique d'investir dans des usines à valeur ajoutée comme celle, souvent citée en exemple, de Hua Wei, numéro deux mondial des télécommunications, devant Alcatel.
C'est le cas aussi dans l'automobile : les constructeurs chinois, qui ont monté des coentreprises avec les grands acteurs mondiaux du secteur, se sont dotés de leurs propres centres de recherche et développement. Car la Chine sait qu'elle ne peut plus compter sur une main-d'oeuvre abondante qui produisait à bon marché. En vertu de la politique de l'enfant unique, la vieille génération pousse plus vite que la jeune.
Avec le souci de prendre de l'avance ?
- Oui, car ce pays a compris qu'il ne pouvait pas reproduire le modèle de consommation et de développement occidental, ce qui signifie qu'il doit assurer dans ses centres de production non seulement une montée en gamme mais aussi concevoir des produits qui répondent aux défis environnementaux. D'ores et déjà, il existe des villes entières où l'on roule en deux roues électriques ! C'est le cas par exemple à Chengdu, la capitale du Sichuan. Et je suis persuadé que la Chine sera le grand pays de l'énergie solaire.
La mondialisation, qui tend à segmenter le secteur recherche et développement en fonction de la localisation, vient s'ajouter à ces décisions qui sont planifiées. Là où les grandes entreprises mondiales ont délocalisé une très grande partie de leur production, elles ajoutent aujourd'hui des laboratoires. Sous la pression de la Chine d'ailleurs, qui pratique désormais une incitation négative vis-à-vis des entreprises qui refusent de se plier à cette règle. Le point faible de la Chine reste l'innovation, qui ne peut s'épanouir dans un système social et politique contraint.
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