Il n'aura fallu hier que cinq secondes aux censeurs chinois pour interrompre la retransmission du discours d'investiture de Barack Obama. Diffusées, en direct, à une heure du matin dans le pays, sur CCTV, la télévision d'Etat chinoise, les images de la cérémonie ont été brutalement coupées lorsque la traductrice du discours a prononcé le mot « communisme » en mandarin. « Souvenez-vous que les précédentes générations ont tenu tête au communisme et au fascisme, pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables », venait de déclarer, quelques instants plus tôt en anglais, Barack Obama dans son allocution sur les marches du Capitole. Tentant de supprimer ce commentaire « insupportable » aux oreilles du Parti communiste chinois qui détient le monopole du pouvoir depuis 1949, le réalisateur de CCTV a ordonné un brutal « retour plateau » où la présentatrice brièvement décontenancée s'est immédiatement tournée vers une experte, elle aussi surprise par la manipulation, pour l'interroger sur les difficultés économiques auxquelles va devoir faire face le nouveau président américain. Hier, après une nuit de repos, les censeurs avaient consciencieusement effacé le mot « communisme » de la plupart des traductions du discours disponibles sur les grands sites d'informations du pays. Ils avaient même étendu leurs coupes à un autre paragraphe sur la dissidence, lui aussi jugé trop subversif. « A ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonnant la dissidence, sachez que vous êtes du mauvais côté de l'histoire, mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre poing », avait lancé Barack Obama. Mais Pékin ne l'aura pas entendu. Si la population chinoise - très peu anglophone - n'a pas pu profiter de l'intégralité du discours du président américain, elle a, en revanche, été informée du généreux don de 100 tonnes de riz fait, mardi, par la Chine à Sarah Obama, la grand-mère paternelle du chef de l'Etat américain. Touchés par la générosité de la vieille dame, qui a adopté 82 orphelins, des « volontaires » chinois vont lui faire livrer des sacs de riz dans son village de l'ouest du Kenya. Dans une traduction fidèle des propos de l'ambassadeur du Kenya à Pékin, le très officiel « China Daily » a indiqué que ce don allait permettre « d'améliorer les relations avec le Kenya mais également avec les Etats-Unis ».
YANN ROUSSEAU (À PÉKIN)
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