Fils de l'illustre économiste John Kenneth Galbraith, James K. Galbraith prône une politique de relance keynésienne et la mise en place de véritables autorités de régulation des marchés.
Ce qu'il faut avant tout, c'est un " paquet de stimulation " massif et soutenu. Celui qui est actuellement en discussion [et qui porte sur environ 775 milliards de dollars] est certes plus important en taille que les précédents. Mais j'estime qu'il est encore trop modeste et ne porte que sur le court terme. Il faut, par ailleurs, un vrai système de régulation du système financier. Quand je dis " vrai ", cela signifie la fin des bulles spéculatives, la fin des paradis fiscaux et la fin de toute forme de spéculation échevelée. Il faut aussi une action internationale plus vigoureuse et plus coordonnée. Or, les deux seuls pays qui ont véritablement démontré des velléités d'agir sont les Etats-Unis et la Chine. Jusqu'à présent, l'Europe est paralysée et sa contribution a été négative.
Barack Obama a-t-il la volonté et les moyens de résoudre la crise ?
J.K.G. : Il en a et la volonté et les moyens. La vraie question est de savoir si son équipe économique a vraiment saisi la magnitude de la crise. Obama a rassemblé autour de lui des gens de qualité. Reste à voir s'ils pourront se débarrasser de deux caractéristiques habituelles de nos dirigeants économiques : 1) le penchant naturel des économistes à penser que les choses tendent à revenir à la normale, ce qui est une absurdité ; 2) le consensus qui existe à Washington sur la sagesse de l'équilibre budgétaire. Or, ce sont deux freins essentiels à l'action.
S'il sollicitait vos conseils, que lui diriez-vous ? J.K.G. : Je commencerais par lui suggérer un partage des revenus entre Etats. Il faut aussi créer un fonds d'investissement pour les infrastructures, ce qu'Obama a d'ailleurs prévu de faire. Il y a enfin toute une série de mesures urgentes à prendre, parmi lesquelles l'augmentation des pensions de retraite, un moratoire sur les saisies immobilières, la réduction des impôts sur les salaires, une régulation en bonne et due forme des marchés financiers et des plafonds salariaux pour les grands patrons, afin de faciliter le remplacement des dirigeants actuels par une nouvelle génération. Les Etats-Unis ne risquent-ils pas de jouer le dollar à la baisse pour se sortir de la crise aux dépens de l'Europe ? J.K.G. : C'est une absurdité. On a assisté, ces derniers mois, à une gigantesque ruée vers le dollar et à une panique totale du système financier européen dont il n'est sorti que parce que les banques européennes ont emprunté massivement des dollars. Ce qui signifie que le système financier européen a des dettes considérables en dollars, qui risquent d'augmenter et donc heurter la capacité des Etats-Unis à exporter en rendant nos produits moins compétitifs. Faut-il réformer les grandes institutions internationales ? J.K.G. : De toute évidence, le Fonds monétaire international (FMI) n'est plus un instrument adéquat pour s'attaquer à une crise majeure. Il s'occupe de la Lettonie ou de la Hongrie, mais il est incapable d'agir au niveau global. La solution consiste à bâtir des institutions financières régionales solides et de donner au FMI un simple rôle de coordination. On évoque souvent le New Deal de Roosevelt comme un modèle de sortie de crise ? Est-ce une référence pertinente ? J.K.G. : C'est un bon point de référence, mais uniquement aux Etats-Unis, où les institutions mises en place par le New Deal existent toujours. En Europe, on ne saisit pas ce que cela signifie, à savoir remettre 60 % des chômeurs au travail dans des activités financées par le gouvernement. Or, je doute que quelqu'un, en France ou ailleurs en Europe, soit prêt à le faire. James K. Galbraith est professeur à l'université d'Austin (Texas) et l'auteur d'un livre au titre évocateur : l'Etat prédateur : comment les conservateurs ont abandonné le marché libre et pourquoi les libéraux devraient en faire autant, The Free Press (The Predator State: How Conservatives Abandoned the Free Market and Why Liberals Should Too)
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