L'Opéra de Paris reçoit au Palais-Garnier le Ballet national de Chine. Une première pour l'institution parisienne. Le ballet, fondé en 1959, présente deux éléments de son répertoire. Un spectacle euphorisant, des mouvements chorégraphiques impeccables, agrémentés d'acrobaties et d'arts martiaux.
L'odeur de poudre pour démarrer l'année vaut tous les régimes post-réveillon. Piquante, euphorisante, elle éradique les microbes, les coups de mou. Pistolets fumants et pétarades à gogo, lundi 5 janvier, au Palais-Garnier, à Paris, avec Le Détachement féminin rouge, fleuron révolutionnaire du Ballet national de Chine, créé en 1964 en plein règne de Mao Zedong. La révolte des esclaves dans les années 1930, la lutte entre nationalistes et communistes, file une pêche guerrière en accrochant un sourire béat devant les scènes de bagarre proches d'un dessin animé.
Invité pour la première fois par l'Opéra de Paris, le Ballet national de Chine attaque la saison le poing levé et l'arabesque tendue comme une arbalète. Après Le Détachement féminin rouge, à l'affiche pour trois soirs seulement, c'est Sylvia, ballet du XIXe siècle sur le mythe grec de Diane chasseresse, chorégraphié par Lycette Darsonval en 1979 d'après la version de 1876 de Louis Mérante, qui complète le programme. Dans les deux cas, ton offensif, filles libérées, allant maximal.
Fondé sur un fait réel, Le Détachement féminin rouge est l'adaptation du film du même nom réalisé en 1961 par Xie Jin, d'après le scénario de Liang Xin. Revue en ballet, appréciée par Jiang Qing, la femme de Mao, qui en fera une oeuvre modèle, l'histoire de la fille de la campagne qui se rebelle et rejoint l'armée rouge s'articule en une série de tableaux bien d'aplomb.
Certaines scènes n'évitent pas la naïveté ou le surjeu avec force hochements de menton déterminés. Celle de l'entraînement des recrues féminines dans les montagnes flirte avec l'imagerie mais l'ensemble, sans doute à cause de sa charge politique solide, passe la rampe.
Le paradoxe excitant de cette pièce réside dans l'utilisation du vocabulaire du ballet classique, introduit dans les années 1930 en Chine, pour raconter une histoire de lutte des classes, de sang, de mort. L'armée de filles - en short et veste sanglée, coupe de cheveux au carré sous la casquette - envoie ses ex-tyrans au tapis du bout de ses chaussons de pointes bien placées.
L'EFFICACITÉ DE LA VICTOIRE
Et ça marche. Ce qui peut être considéré comme une langue conformiste et même réactionnaire devient le véhicule d'un propos revendicateur. Arme à l'épaule, le détachement déboule et dégaine son arabesque en même temps qu'il tire à bout portant. Lignes de jambes et de fusils tracent d'impeccables parallèles. Plus vite, plus dures, elles traversent le plateau avec l'efficacité de la victoire qui se rapproche au pas de charge.
Pour ce spectacle, créé en 1964 par les chorégraphes Li Chengxiang, Jiang Zuhui et Wang Xixian, les interprètes avaient dû s'entraîner dans des camps de l'armée pour savoir manier les armes à feu, incorporer l'énergie masculine de la vie des soldats, l'entraînement à la dure, les marches forcées...
Au-delà du scénario, cette tranche de révolution féminine gaillarde et palpitante, parfois burlesque même dans ses scènes de castagne, pioche aussi son exotisme du côté des acrobaties traditionnelles de l'Opéra de Pékin et des arts martiaux. Entre les pirouettes avec les bras qui volent, les galipettes et les esquives bondissantes, on a parfois la sensation d'assister à un western asiatique avec de grands méchants mafieux et de grands gentils justiciers, tant les personnages - du riche proprio au tremblotant homme de main - sont dynamiquement campés.
Le même sens du mix se retrouve dans la partition musicale qui entrelace cuivres pétants, percussions conquérantes et violons serpentins, sous la direction de Zhang Yi. Le même dirigera la musique plus délicate de Léo Delibes pour Sylvia. C'est le Ballet de l'Opéra qui, en 1980, a confié cette pièce, et l'a apprise à la troupe chinoise qui fête son cinquantenaire en 2009.
Rosita Boisseau
Le Détachement féminin rouge, par le Ballet national de Chine. Palais-Garnier, place de l'Opéra, Paris-9e. Mo Opéra. Le 7 janvier, à 19 h 30. Sylvia. Le 9 janvier, à 19 h 30 et le 10 janvier à 14 h 30 et 20 heures. Tél. : 0-892-85-89-90-90.
De 6 euros à 85 euros.
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2 commentaires:
Bravo, un blog très intéressant!
Xie Xie passingrain !
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