Les contradictions pourraient se renforcer à la faveur de la crise.
Rivaux ou partenaires ? Cette simple question résume toute l'ambiguïté des relations entre les États-Unis et la Chine depuis que Pékin est revenue en force sur la scène économico-internationale et que les faiseurs d'opinion assènent que la puissance asiatique détrônera d'ici peu l'Empire américain. Lors de son arrivée à la Maison-Blanche, il y a huit ans, George W. Bush avait qualifié la Chine de « concurrent stratégique ». La semaine dernière à Pékin, son secrétaire d'État adjoint, John Negroponte, déclarait à Pékin : « Les relations entre les États-Unis et la Chine ne se sont jamais aussi bien portées. » Une position reprise par Jimmy Carter missionné dans le même temps par Barack Obama auprès des dirigeants chinois pour réaffirmer une coopération « gagnant-gagnant ».
Histoire de rassurer Pékin après les déclarations en demi-teinte de la nouvelle secrétaire d'État Hillary Clinton. Lors de son audition au Sénat (le 13 janvier), elle affirmait que l'amélioration des relations sino-américaines ne devait pas être un effort « à sens unique ». « Une grande partie de ce que nous ferons dépendra des choix que la Chine fait concernant son avenir au niveau intérieur et à l'étranger », faisait-elle savoir estimant que le Japon serait la « pierre angulaire » de la politique asiatique des États-Unis. Or, si la Chine entend renforcer au maximum ses relations avec la superpuissance, elle ne cesse de répéter que ce sera sur un pied d'égalité, sans ingérence intérieure.
Autant dire que le moment est délicat entre Pékin et Washington, poussés chacun dans la défense de ses intérêts, dans la limite néanmoins de l'interdépendance de leurs économies. La Chine exporte beaucoup vers le marché américain mais elle recycle ses excédents en dollars (plus de 2 000 milliards). Elle est ainsi le premier détenteur d'obligations du Trésor américain, avec 585 milliards de dollars en septembre. Mais Washington reproche à Pékin de maintenir sous-évaluée sa monnaie, le yuan, ce qui avantage ses exportations. Près de la moitié de son déficit commercial découle du déficit des échanges avec la Chine et les débats sino-américains promettent d'être très serrés.
Pour cogérer une sortie de la crise financière, le président Hu Jintao ne semble pas écarter la possibilité d'user une partie des réserves du pays pour conforter le FMI. Mais il a clairement fait savoir qu'il ne le ferait pas à n'importe quelle condition. Il en a ainsi appelé à « un nouvel ordre financier international qui soit juste, équitable et inclusif ». Car le FMI, tel qu'il fonctionne aujourd'hui sous contrôle, et les privilèges du dollar (monnaie commune mondiale de fait) constituent deux des instruments majeurs du leadership des États-Unis. Celui-là même que le président qui vient de s'installer à la Maison-Blanche a promis à maintes reprises à ses électeurs de... rétablir.
D'autre part, en cette année 2009, les tensions entre les deux pays, outre économiques, ne vont pas manquer. La Chine aborde une année charnière lourde de menaces. La crise financière frappe son économie, ralentit sa croissance et ouvre la voie à des mouvements sociaux. De plus, la direction chinoise aura à faire face à une série d'anniversaires symboliques comme les cinquante ans de l'insurrection du Tibet ou les vingt ans de la répression des manifestations du Printemps de Pékin. Il est facile de prévoir qu'aux États-Unis les courants antichinois, nombreux dans le monde politique américain, se rappelleront à la nouvelle administration Obama.
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