Le président chinois sera à Dakar aujourd'hui. Alors que la Chine montre son intérêt grandissant pour l'Afrique, les Sénégalais sont de plus en plus nombreux à s'y rendre pour leurs affaires.
Ancienne fonctionnaire, Binta, la cinquantaine éclairée par un boubou jaune, est devenue une commerçante prospère depuis qu'elle va acheter en Chine. Empilées dans tous les coins de sa maison d'un quartier résidentiel de Dakar, les grosses malles bourrées d'articles de décoration ramenés de Hong Kong révèlent leurs trésors. « Tout ce que vous voyez ici vient de Chine. Mais, contrairement à ce que la plupart des commerçants chinois installés en Afrique vendent dans leurs boutiques, je n'achète que du haut de gamme », dit-elle caressant le tissu d'un canapé cossu.
Fille d'un gros commerçant du quartier de Hann, dans la banlieue de Dakar, Fatou a toujours voyagé pour ses affaires. « La seule condition pour que je puisse quitter le Sénégal, c'était que je sois mariée », explique cette musulmane pratiquante. Après avoir visité les pays voisins (Gambie, Maroc, Tunisie, Algérie), elle a décidé de pousser plus loin. « C'est en allant dans les Émirats que j'ai réalisé que je pouvais doubler, voire tripler, mes marges sur tous les meubles que j'importais de Dubaï si je faisais le voyage jusqu'à des villes usines comme Guangzhou. » Son commerce est devenu tellement florissant qu'il ne se passe pas trois mois sans qu'elle soit obligée de repartir. « Comme je revends à des grossistes libanais, les conteneurs de 40 pieds que j'affrète partent très vite. Mais, depuis les Jeux olympiques, c'est devenu de plus en plus difficile d'obtenir un visa pour se rendre en Chine », déplore-t-elle.
Une accusation réfutée par l'ambassade de Chine à Dakar où, pour éviter les longues files d'attente, une procédure sur rendez-vous a été mise en place, permettant la délivrance des visas « en un jour au lieu de cinq auparavant ». « La Chine, à l'instar du Sénégal, accueille favorablement les étrangers, et si des Sénégalais rencontrent des difficultés en Chine, ils feraient mieux de se rapprocher de leurs autorités », insiste l'ambassadeur, Lu Shaye. Lors de la visite au Sénégal du président Hu Jintao, aujourd'hui et demain, de « nombreux nouveaux accords de coopération » vont être signés, ajoute le diplomate. Depuis que Dakar a officiellement renoué ses relations diplomatiques avec Pékin, en novembre 2006, les échanges entre les deux pays ont fait un bond, avec un déséquilibre important en faveur de la Chine. « Dans le domaine de l'éducation, la construction de stades ou du grand théâtre national, tout cela, ça marche très bien. Et, selon nos prévisions, il n'y a pas de retard », s'est félicité le président Abdoulaye Wade en visite à Touba, la ville sainte des Mourides, dont la réfection a été confiée à un constructeur chinois.
Pour l'instant, la Chine est restée en dehors de l'exploitation du secteur minier local concentré dans l'est du Sénégal, puisque les mines de fer ont été octroyées à ArcelorMittal et l'or à des sociétés canadiennes. C'est donc dans le commerce que se situe l'essentiel des échanges. La Chine importe ainsi 7 000 tonnes d'huile d'arachide par an du Sénégal.
« Le monde entier achète en Chine et, notamment, des pays comme la France ou l'Italie qui sont des partenaires privilégiés du Sénégal. Alors, pourquoi pas nous ? » s'exclame Malick, un architecte qui fait régulièrement le voyage pour se fournir en matériaux de construction. À plusieurs reprises, le ministre des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, a réclamé davantage de réciprocité. « Il faut que les autorités chinoises encouragent l'installation des hommes et des femmes d'affaires sénégalais en Chine ! » Une revendication appuyée par le secrétaire permanent de l'Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal, Ousmane Sy Ndiaye.
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