jeudi 19 février 2009

En Chine, la « révolution verte » pourrait profiter du plan de relance

Le Monde - Environnement & Sciences, mardi, 17 février 2009, p. 4

Les autorités chinoises veulent prolonger les investissements écologiques déjà inscrits dans le plan quinquennal.

Les plans de relance économique adoptés dans de nombreux pays sont-ils « verts » ? Le Monde a mené l'enquête dans cinq d'entre eux : en Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, au Japon et, dans ce premier volet, en Chine.

Mauvaise nouvelle, le méga-plan de relance de 4 000 milliards de yuans (400 milliards d'euros) sur deux ans annoncé par Pékin en novembre 2008 doit faire basculer la Chine vers une économie plus centrée sur la consommation intérieure. Bonne nouvelle : conçu dans l'esprit d'une mise à jour de la structure industrielle, il fait la part belle à l'environnement et pourrait bien catalyser la « révolution verte » tant attendue pour rééquilibrer en qualité la croissance chinoise : « Il n'y aura pas un centime de dépensé sur les projets qui favorisent la production de masse, ou les secteurs hautement polluants et gourmands en ressources », a prévenu Zhang Ping, le chef de l'agence de planification chinoise, en annonçant l'affectation de 35 milliards d'euros, soit 8 % du total, à la protection de l'environnement.

D'autres dépenses contribuent à améliorer le bilan vert, notamment celles consacrées à l'amélioration des infrastructures urbaines et rurales, ou à la promotion des énergies renouvelables. « Face à la crise financière mondiale, développer une économie verte est probablement un autre domaine pour l'économie », a déclaré au Financial Times le premier ministre, Wen Jiabao. Déjà, 1,2 milliard d'euros d'investissements en faveur de l'environnement ont été approuvés dans le cadre du premier train de 10 milliards d'euros d'investissements annoncés au premier trimestre 2009. De son côté, le ministère de la protection environnementale annonçait, fin janvier, avoir rejeté 11 projets polluants sur 164, principalement des centrales thermiques ou des usines chimiques.

MODERNISER LES ÉQUIPEMENTS

Dans les faits, le plan de relance a d'abord pour principe d'accélérer les projets inscrits dans le 11e plan quinquennal chinois (2006-2010), où figuraient les questions environnementales et d'énergie. « Il faut comprendre qu'il y a déjà une vraie démarche systémique, axée sur l'environnement, dans ce plan quinquennal. Ces derniers mois, on a énormément de sollicitations de la part des collectivités, qui nous consultent sur toutes sortes de dossiers liés à l'eau ou aux déchets. Le plan de relance de l'Etat y est pour beaucoup, il y a une nouvelle incitation : les fonds son t disponi bles », constate Frédéric Gourdin, président de Suez Environnement en Chine.

Selon M. Gourdin, on assiste en outre à une maturation des projets environnementaux : « Dans le domaine du traitement des eaux, la Chine a multiplié le nombre de stations d'épuration. Maintenant se pose la question du traitement des boues résiduelles. On va passer plus vite à cette deuxième phase. Même chose sur les déchets, avec plus d'unités spécialisées sur certains types de déchets. Ces actions s'élargissent au monde rural, où les besoins sont énormes pour le traitement des eaux usées, et où les questions sont encore plus complexes », poursuit-il.

Pour les défenseurs de l'environnement, le bilan écologique du plan de relance pousse à l'optimisme, même s'il implique d'être vigilants : « Tous ces nouveaux investissements vont certainement être bénéfiques pour la cause environnementale en Chine. On a accumulé une trop grande dette vis-à-vis de la nature, et la crise est l'occasion de rembourser. Avec la demande qui ch ute, des entrepri ses en profiteront pour moderniser leurs équipements. D'autres, les plus faibles et les plus polluantes, seront poussées à disparaître », estime l'écologiste Ma Jun, directeur de l'Institut pour les affaires publiques et l'environnement, une ONG.

Revers de la médaille, l'obsession de croissance et les inquiétudes sur l'emploi pourraient mettre à l'épreuve le système de contrôle des abus environnementaux : malgré ses pouvoirs plus élargis, le ministère de la protection environnementale reste soumis à toutes sortes de contraintes et d'aléas politico-économiques. Pressé d'agir plus vite, il a déjà dû créer un « corridor vert » pour une approbation plus rapide des projets. A Shenzhen, les évaluations d'impact environnemental peuvent désormais se faire au niveau des arrondissements, au lieu de la ville, une évolution dénoncée par les écologistes. « Certaines des normes plus strictes qui devaient à l'origine être introduites risquent d'être retardées », constate aussi M. Ma.

Brice Pedroletti

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