jeudi 19 février 2009

En Chine, les migrants de l'intérieur et les jeunes restent exclus du système d'allocation

Le Monde - Economie, mardi, 17 février 2009, p. MDE4

Avec son intérieur rénové et ses bornes de consultation électroniques pour les étudiants, le Bureau des affaires sociales et du travail du quartier de Tianshan, dans l'ouest de Shanghaï, accueille les chômeurs et tient à leur disposition des listes d'emplois. « Encore un job de gardiennage ? A peine 1 800 yuans [180 euros], c'est dur, et vous croyez que ça permet de manger ? », dit M. Wang, un homme d'une cinquantaine d'années. Il reçoit un peu moins de 500 yuans d'allocation chômage par mois, depuis qu'il s'est fait renvoyer, fin 2008, de son dernier emploi. « A cause de la crise », dit-il.

La semaine dernière, il s'est rendu à une foire de l'emploi organisée dans un stade, mais on l'a trouvé « trop âgé ». Il a fait plusieurs formations gratuites, en cuisine, transport et informatique, mais rien n'y fait : ancien travailleur d'un groupe d'Etat, il fait partie d'une génération qui a souffert de la transition économique chinoise (40 millions d'employés du secteur public ont perdu leur emploi dans les années 1990 en Chine). Il se retrouve aujourd'hui à plusieurs années de la retraite, sans beaucoup de perspectives.

Les gens comme M. Wang - résidant à Shanghaï et parfois bien mieux lotis s'ils sont propriétaires de leur logement - font partie des 4,2 % de la population active officiellement répertoriés comme « chômeurs urbains », qui peuvent de ce fait bénéficier des services du Bureau du travail.

Mais la situation est bien plus délicate pour les catégories exclues des statistiques, et donc du système de prise en charge, notamment les travailleurs migrants venus des campagnes, ou encore les nouveaux entrants sur le marché du travail, entre autres les jeunes diplômés. « En principe, tout le monde a droit à l'assurance-chômage, explique Liu Kaiming, directeur de l'Institute of Contemporary Observation (ICO) à Shenzhen, spécialiste des lois du travail chinoises. Mais seuls les employés qui perdent leur emploi dans la zone où ils sont enregistrés comme résidents ont droit à des allocations. Pour les travailleurs migrants, mais aussi pour les «cols blancs» d'autres régions, même des urbains, c'est très difficile d'obtenir quoi que ce soit. »

PERMIS DE RÉSIDENCE

Tout le système de sécurité sociale est en effet fondé sur le « hukou », le permis de résidence. Ce permis reste un obstacle majeur à la mise en place d'un filet de sauvetage social d'ampleur nationale. « 4,5 millions de migrants auraient dû percevoir une allocation chômage en décembre 2007 dans la province du Guangdong, rapporte M. Liu. Seuls 500 000 ont obtenu quelque chose, car le fonds a d'abord servi à payer les salaires impayés. »

La crise aurait, selon les estimations officielles, fait perdre brusquement leur emploi à 20 millions des quelque 130 millions de migrants de l'intérieur. Conscient des risques de déstabilisation sociale, le gouvernement veut amortir le choc : de nouvelles directives rendent plus strictes les conditions de licenciement. Chaque province a publié un « plan d'expansion vigoureuse de l'emploi », qui comporte notamment des stages de recyclage et de formation pour les migrants. Le ministère du commerce vient d'annoncer de nouveaux objectifs nationaux pour un programme de mise à niveau des réseaux commerciaux dans les zones rurales : des subventions et l'aménagement d'infrastructures devraient permettre la création de 250 000 supermarchés et supérettes en 2009 et 2010, afin de générer 750 000 emplois. Quelque 260 000 magasins ont déjà bénéficié de ce programme depuis son lancement en 2005. Les migrants de retour sont incités à ouvrir leur propre affaire grâce à des prêts.

Quant aux jeunes diplômés, 6,1 millions d'entre eux entreront sur le marché du travail cet été, et 1,5 million de ceux de 2008 n'auraient pas trouvé de travail. Les autorités les incitent à partir de un à trois ans dans les campagnes comme enseignants ou fonctionnaires, en contrepartie d'une aide dans leurs études et d'un accès facilité à la fonction publique. Ce programme, qui date de quelques années, sera élargi à un plus grand nombre de candidats.

Brice Pedroletti

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