On peut traduire le mot wuli littéralement par "force armée", mais cela revient à omettre le sens originel du caractère wu, qui signifie "arme". Wu est formé de deux éléments, l'un signifiant "fer de lance", et l'autre "arrêter". La culture traditionnelle chinoise est avant tout celle des lettrés, qui maniaient le sens des idéogrammes et méprisaient la force des armes. Par la composition de cet idéogramme, cette classe d'élite énonçait clairement que la puissance militaire n'a de sens que lorsqu'elle sert à faire obstacle à la force brutale.
La Chine classique a bien sûr connu la guerre et la violence. Mais jamais l'Etat ne s'est montré si omniprésent qu'aujourd'hui et jamais le sens des mots n'a été à ce point trahi. De nos jours, les conflits sociaux ou les émeutes sont qualifiés d'"incidents collectifs". L'usage de la force policière, au lieu de faire cesser les conflits, est fréquemment à l'origine de nouveaux troubles. Débordée par les affrontements issus de la renaissance d'une société diversifiée, la police, utilisée par les autorités à tous les échelons, perd peu à peu son image de force de maintien de l'ordre au profit de celle d'un outil de répression des faibles et de protection des riches et des puissants.
Le temps du gouvernement par les lettrés et par la vertu est révolu. La Chine a emprunté à l'Occident toute la panoplie institutionnelle moderne : le Parti, la Constitution, les instances exécutives et juridiques. Mais, tant qu'elle n'aura pas franchi le pas de l'Etat de droit, auquel la force policière ou militaire doit absolument être soumise, elle restera toujours au seuil de la modernité.
Chen Yan
(Paris)
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