Puissance. Dans son dernier rapport présenté par Alexandre Adler, la CIA détaille sa vision de l'équilibre des forces en 2025. Extraits...
Chine : une route semée d'ornières Au cours des vingt à vingt-cinq prochaines années, peu de pays seront en position d'avoir davantage d'impact sur le monde que la Chine. Si la tendance actuelle se confirme, en 2025 l'empire du Milieu sera devenu la deuxième économie mondiale et une puissance militaire majeure. Il pourrait aussi devenir le premier importateur mondial de ressources naturelles et un plus gros pollueur qu'il ne l'est aujourd'hui. [...] Le rythme de la croissance économique de la Chine va certainement baisser. Même de nouvelles réformes visant à apaiser des tensions sociales croissantes dues au creusement des disparités économiques, aux carences de la protection sociale, à des réglementations insuffisantes dans le monde des affaires, à des importations d'énergie, à une corruption persistante et à la dévastation de son environnement n'y suffiraient pas. [...] En s'attaquant à ces défis, les dirigeants chinois doivent maintenir l'équilibre entre l'ouverture nécessaire au maintien de la croissance économique-essentielle pour que l'opinion publique tolère le monopole du Parti communiste sur le pouvoir-et les restrictions nécessaires à la protection de ce monopole. Face à tant de bouleversements sociaux et économiques, le Parti communiste risque de connaître de nouvelles transformations. En fait, les dirigeants du Parti évoquent eux-mêmes ouvertement la nécessité de trouver de nouveaux moyens de préserver le rôle dominant du Parti. A ce jour, toutefois, l'ouverture du système à des élections et à une presse libre ne semble pas au programme. En outre, il n'est pas envisageable que la pression sociale impose l'avènement de la démocratie en Chine à l'horizon 2025 [...].
En 2025, les Etats-Unis ne seront plus qu'un des acteurs importants parmi d'autres sur la scène mondiale, même s'ils resteront le plus puissant de tous, y compris dans le domaine militaire, où Washington continuera d'avoir un avantage considérable. [...] Malgré le développement récent de l'antiaméricanisme, les Etats-Unis ne cesseront sans doute pas d'être perçus comme un contrepoids régional indispensable au Moyen-Orient et en Asie. Ainsi, on attendra toujours de l'Amérique qu'elle joue un grand rôle en usant de sa puissance militaire pour contrer le terrorisme mondial. Sur les nouvelles questions comme le changement climatique, le rôle de Washington sera largement perçu comme majeur, le seul moyen de permettre de dégager des solutions communes entre des points de vue divergents. En même temps, la multiplicité des acteurs influents et la méfiance envers les grandes puissances permettra moins à l'Amérique de trancher, sans l'aide de partenaires puissants [...].
Le déclin du dollar
En dépit de récents afflux vers des actifs libellés en dollars, la devise américaine, d'ici à 2025, est menacée de perdre son statut de monnaie de réserve mondiale sans équivalent et de devenir un primum inter pares au sein d'un panier de devises. Cela pourrait contraindre les Etats-Unis à réfléchir plus attentivement aux conséquences de leur politique étrangère sur leur monnaie.
L'emploi de plus en plus courant de l'euro est déjà une évidence qui, potentiellement, complique à l'avenir l'exploitation par les Etats-Unis du rôle particulier du dollar dans les échanges commerciaux et les investissements internationaux à des fins politiques. Ainsi, le gel d'actifs et l'entrave aux flux financiers de leurs adversaires-comme récemment avec les sanctions financières contre les dirigeants nord-coréens et iraniens-seront plus difficiles. Les incitations à se tenir à l'écart du dollar seront toutefois tempérées par les incertitudes et l'instabilité du système financier international [...].
Perte d'influence de l'Europe.
Nous pensons qu'en 2025 l'Europe n'aura que lentement avancé dans la concrétisation du projet de ses élites et de ses dirigeants actuels : celui d'un acteur mondial cohérent, intégré et influent, capable d'user en toute indépendance d'une panoplie complète d'outils politiques, économiques et militaires pour défendre les intérêts européens et occidentaux et les idéaux d'universalité. L'Union européenne devra remédier au sentiment croissant d'un déficit démocratique entre Bruxelles et les électeurs, et dépasser le débat interminable sur ses structures institutionnelles.
L'Union européenne sera en position de soutenir la stabilité politique et la démocratisation à la périphérie de l'Europe en accueillant de nouveaux pays membres des Balkans, et peut-être l'Ukraine et la Turquie. Cependant, l'incapacité persistante de persuader une opinion sceptique des bienfaits d'une intégration économique, politique et sociale approfondie et de s'attaquer au problème d'une population vieillissante et déclinante en mettant en oeuvre des réformes impopulaires pourrait faire de l'Union un géant immobilisé, trop occupé à régler ses querelles internes et ses rivalités nationales, et moins capable de transformer son poids économique en influence planétaire [...].
L'aube de l'après-pétrole ?
En 2025, le monde se trouvera au milieu d'une transition énergétique fondamentale [...]. La production extérieure à l'Opep d'hydrocarbures liquides ne sera pas capable de répondre à l'augmentation de la demande. Les niveaux de production de nombreux pays-le Yémen, la Norvège, Oman, la Colombie, le Royaume-Uni, l'Indonésie, l'Argentine, la Syrie, l'Egypte, le Pérou, la Tunisie-déclinent déjà. D'autres-le Mexique, Brunei, la Malaisie, la Chine, l'Inde, le Qatar-ont touché le fond. Le nombre de ceux capables d'augmenter leur production de façon significative va se réduire. Six pays-l'Arabie saoudite, l'Iran, le Koweït, les Emirats arabes unis, l'Irak (potentiellement) et la Russie-devraient représenter 39 % de la production pétrolière mondiale en 2025. Les producteurs majeurs seront ceux du Moyen-Orient, où se trouvent environ les deux tiers des réserves mondiales.
[...] En 2025, on s'attend à voir la consommation de gaz naturel augmenter d'environ 60 %, selon les projections de l'Energy Information Agency du département de l'Energie. Si les gisements de gaz naturel ne sont pas nécessairement voisins de ceux du pétrole, ils n'en sont pas moins fortement concentrés. Trois pays-la Russie, l'Iran et le Qatar-détiennent plus de 57 % des réserves mondiales. Si l'on considère à la fois le pétrole et le gaz naturel, deux pays-la Russie et l'Iran-sont les pivots de la production énergétique. L'Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada et Mexique) assurera quant à elle une part non négligeable-18 %-de la production mondiale en 2025
Note(s) :
Le nouveau rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2025 ? Présenté par Alexandre Adler
PHOTO - Leon Panetta, nouveau directeur de la CIA / REUTERS
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