mardi 3 février 2009

Pékin et Bruxelles mettent fin à leur brouille - Jean-Jacques Mevel

Le Figaro, no. 20064 - Le Figaro, samedi, 31 janvier 2009, p. 8

La Chine et l'UE ont annoncé la tenue, sans doute en mai, d'un sommet bilatéral à l'occasion de la visite du premier ministre chinois, Wen Jiabao.

LA CHINE et l'Europe tournent la page. Poussées par la crise, les deux premières puissances commerciales de la planète ont décidé hier d'un prochain sommet, au bout de deux mois de brouille centrée sur le Tibet et sur une rencontre de Nicolas Sarkozy avec le dalaï-lama. Les relations euro-chinoises «vont de l'avant, avec quelques crochets », a assuré le premier ministre Wen Jiabao après avoir été reçu par la Commission européenne au grand complet. Sensible à l'honneur rendu à l'institution, le président José Manuel Barroso a confirmé la tenue «très bientôt» d'un sommet. De source tchèque, on l'annonce en mai.

La présidence tchèque de l'Union devrait donc bénéficier du rendez-vous qui avait échappé à la France. Pékin, furieuse d'une rencontre entre le responsable tibétain et président Sarkozy, avait annulé in extremis la venue de Hu Jintao à Lyon le 1er décembre. Le double affront semble remisé, mais la question demeure sensible dix mois après l'émeute de Lhassa.

Le président français reste au purgatoire chinois. En Europe, Wen Jiabao contourne soigneusement l'Élysée, une étape naguère obligée. Quant à la situation dans la province himalayenne, enjeu de pressions européennes l'an dernier, elle a été «évoquée », selon la formule un peu gênée de José Manuel Barroso. La Commission peine à convaincre lorsqu'elle affirme que la direction chinoise n'a pas fermé la porte au Prix Nobel de la paix.

La crainte du protectionnisme

La croissance ralentie et l'arrivée d'un autre président à la Maison-Blanche achèvent de modifier la perspective. Loin de partager les mêmes inquiétudes si ce n'est la montée du chômage, la République populaire et l'Union européenne trouvent un intérêt bien compris à afficher l'entente cordiale. «Tant que nous marchons main dans la main, nous pourrons surmonter (...) cette période difficile», affirmait hier le premier ministre Wen.

La réalité est plus contrastée. Pour les Européens, le souci - inavoué hier - va à la dégradation des échanges commerciaux. La récession et un pouvoir d'achat menacé paraissent doper les importations chinoises à bon marché, du moins dans un premier temps. Le déficit courant des vingt-sept avec la Chine atteint des proportions américaines : 39,5 milliards d'euros au troisième trimestre 2008, soit quatre fois plus qu'un an plus tôt. Avec le reste du monde, l'Europe est largement excédentaire.

Pour les Chinois, la crainte numéro un de l'année du Boeuf est le protectionnisme, un danger que la récession menace d'exacerber chez les Occidentaux. L'Administration Obama a annoncé la couleur en dénonçant la « manipulation » du taux de change et le dumping chinois. En public, Wen Jiabao se contente de mettre en garde les États-Unis. En privé, Pékin s'inquiète de voir l'Europe succomber à son tour. C'est bien contre les importations chinoises que Bruxelles a lancé le plus de procédures antidumping, 49 en tout. Hier, ces questions qui fâchent ont été renvoyées à plus tard. Au prochain sommet bien sûr. Mais aussi à un forum de «haut niveau» sur les questions commerciales ainsi qu'à «la poursuite des consultations » sur les questions économiques et monétaires, engagées depuis 2007 sans grand résultat. La tournée de Wen Jiabao s'est poursuivie hier soir à Madrid, avant Londres aujourd'hui.

© 2009 Le Figaro. Tous droits réservés.

0 commentaires: