jeudi 26 février 2009

Pékin fait son marché en Europe et ignore Paris - Arnaud Rodier

Le Figaro, no. 20085 - Le Figaro Économie, mercredi, 25 février 2009, p. 20

Une délégation officielle chinoise entame une tournée européenne, où elle compte dépenser 1,7 milliard d'euros.

CE NE SONT pas les 6 000 guerriers de l'armée de Xian, mais le déploiement de force est impressionnant. Le ministre chinois du Commerce, Chen Deming, débarque ce matin en Europe avec 300 chefs d'entreprise de tous les horizons, automobile, électronique, agroalimentaire, chimie...

Au programme de sa visite, l'Allemagne aujourd'hui, puis la Suisse, l'Espagne et la Grande-Bretagne. La France est à dessein écartée, comme l'avait fait le premier ministre Wen Jiabao, fin janvier. La Chine ne lui pardonne pas la rencontre, en décembre, de Nicolas Sarkozy avec le dalaï-lama. Elle avait annulé le sommet Europe-Chine prévu à Lyon à la fin de l'année. Hier, elle a reporté une convention d'affaires qui devait se tenir au Havre fin mars.

Officiellement, la tournée européenne de Chen Deming est destinée à montrer la volonté d'ouverture du pays et sa détermination à coopérer avec les étrangers face à la crise. La Chine est décidée « à ouvrir ses marchés et à contribuer à la relance de l'économie mondiale en renforçant la coopération avec d'autres pays », souligne Gao Hucheng, ministre adjoint du Commerce.

L'Union européenne est le premier partenaire de la Chine et le commerce bilatéral a augmenté de 19,5 % l'an dernier à 332,5 milliards d'euros. Pékin pourrait cette fois-ci dépenser 1,7 milliard d'euros (15 milliards de yuans) pour faire son marché.

Repérer les entreprises à vendre

En Allemagne, les Chinois ont récupéré de nouveaux transferts de technologie sur le train à grande vitesse qu'ils exploitent à Shanghaï pour desservir l'aéroport. Ils ont également récemment passé des accords dans l'automobile.

En Suisse, où Nestlé exploite un centre de recherche près de Pékin, la Chine s'intéresse aux accords bancaires. Bank of China a une filiale à Genève et le Credit Suisse va s'installer en Chine.

En Espagne, les coopérations sont multiples, avec Telefonica, Tecnicas Reunidas, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, Indra Sistemas, pour n'en citer que quelques-unes. Madrid, qui a accordé un prêt de 360 millions d'euros à la Chine l'an dernier, vient de doubler sa participation dans le capital de la banque chinoise Citic Bank, à plus de 10 %.

Quant à la Grande-Bretagne, ce sont la finance et l'agriculture qui attirent les Chinois. La Banque de construction de Chine a eu le droit d'ouvrir une succursale à Londres et un accord lie les deux pays pour trois ans pour améliorer le rendement des cultures. Pas moins de 380 entreprises chinoises travaillent déjà au Royaume-Uni.

En Europe comme ailleurs, la Chine a besoin de fournisseurs étrangers pour mener à bien son plan de relance de 4 000 milliards de yuans (458,1 milliards d'euros). Surtout, elle va profiter de cette tournée pour regarder quelles entreprises sont à vendre.

La crise a fait baisser les prix des actifs en Europe et Pékin, malgré le ralentissement de sa croissance économique, dispose de plus de 1 900 milliards de dollars de réserves de change.

Le géant de l'aluminium Chinalco s'invite chez l'anglo-australien Rio Tinto, Sinopec et Sinochem regardent de près le chimiste américain Chemtura. Les Chinois, qui dénoncent toute tentation d'un retour au protectionnisme, ne demandent qu'à continuer.

Illustration(s) :

Au programme des visites européennes de Chen Deming, ministre chinois du Commerce : l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne et la Grande-Bretagne. La France est contournée.

Landov/maxppp

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