mercredi 11 février 2009

Pékin profite des faiblesses françaises - François Hauter

Le Figaro, no. 20072 - Le Figaro Économie, mardi, 10 février 2009, p. 18

La Chine affiche sans vergogne une diplomatie agressive vis-à-vis de Paris.

EN MAI 2007, juste avant de quitter l'Élysée, Jacques Chirac prenait l'un de ses dernières décisions de président de la République : il bloquait la candidature chinoise au rachat de l'hôtel particulier occupé par le ministère français de la Coopération, rue Monsieur. M. Chirac, grand « ami de la Chine », ne pouvait pas laisser faire cette opération. Le symbole aurait été trop fort : les Chinois voulaient, en s'installant là, démontrer qu'ils entendaient désormais remplacer la France et les Français en Afrique.

Cette volonté chinoise de s'afficher sans vergogne sur le continent à la place des anciennes puissances coloniales (France, Grande-Bretagne et Portugal) est nouvelle. Jusqu'à ces dernières années, la diplomatie de l'empire du Milieu se distinguait par sa discrétion et sa neutralité vis-à-vis des intérêts occidentaux. Puis, lors de la première tournée africaine de M. Hu Jintao, cette diplomatie s'est affichée pour ce qu'elle était : un outil pour faciliter l'achat des matières premières dont l'Afrique regorge. À l'occasion ce nouveau voyage, le chef de l'État chinois élargit son horizon : si la Chine déverse des subsides sur les pays d'Afrique, elle entend en engranger le bénéfice diplomatique. C'est à dire être appuyée par les voix des pays africains « amis », au moment des votes aux Nations unies.

La France ne peut pas s'en étonner : c'est exactement ce qu'elle a fait cinquante années durant. Il n'empêche que la rivalité franco-chinoise en Afrique, avec la visite de M. Hu Jintao au Sénégal, se déclare. Tout se déroule comme si Pékin se mettait désormais en embuscade des faiblesses françaises sur le continent, afin d'en profiter le moment venu.

Agonie de l'Afrique francophone

C'est particulièrement clair au Gabon, au Cameroun, au Congo-Brazzaville, au Tchad, et maintenant au Sénégal, où des dirigeants vieillissants et leurs familles s'accrochent à leurs pouvoirs sans préparer leurs successions, et cela grâce au soutien de la France. Cette agonie lugubre de l'Afrique francophone fait le jeu des intérêts chinois : il suffit de donner du temps au temps, pour que, comme en Côte d'Ivoire, un pouvoir neuf s'impose, en s'affirmant « contre la puissance colonisatrice », c'est-à-dire contre Paris.

La Chine avance en Afrique avec ce discours « anticolonisateur ». Elle a, par rapport à la France, d'autres atouts pour les Africains : elle prête sans conditions particulières. « Pour prendre, il faut d'abord savoir donner », dit un proverbe chinois. Elle offre des palais et des ministères, des infrastructures bâties à des conditions imbattables, des matières premières payées à leur juste prix, elle n'exige pas le respect du moindre « droit de l'homme », elle fait revivre au sud du Sahara un rêve d'émancipation du tiers-monde contre un autre monde, injuste, dont les ficelles sont tirées par les anciens colonisateurs. La France, en ligne de mire des Chinois, saura-t-elle se défendre ?

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