Le plan de relance fait parler de lui
Yazhou Zhoukan (Hong Kong)
Lors de la session annuelle du Parlement, le gouvernement a précisé les grandes lignes de sa politique économique. Sa mise en oeuvre suscite bien des débats au sein de l'élite du PC.
Au début du mois de janvier, une dizaine de hauts cadres âgés du Parti communiste ont adressé au secrétaire général Hu Jintao et à chaque membre du Comité permanent une lettre de sept pages, dans laquelle ils émettaient six recommandations pour poursuivre et infléchir le cours des réformes. A l'approche de l'ouverture de la session parlementaire annuelle, cette lettre, désignée sous le nom de "Supplique 09" a circulé dans les milieux politiques et académiques. Commentant le plan de relance économique de 4 000 milliards de yuans [462 milliards d'euros, annoncé début décembre], ils demandaient qu'y soient associés la réalisation d'un processus de démocratisation, la libéralisation de la presse, la garantie d'un environnement tolérant pour l'opinion, l'élargissement de l'espace dévolu aux associations, et d'autre mesures de contrôle et de lutte contre la corruption. Parmi les signataires, on trouvait Li Rui (PHOTO), ancien conseiller du Comité central et ancien vice-ministre de l'Organisation, Zhu Houze, ancien ministre de la Propagande, ou encore Du Daozheng, ancien directeur du Bureau des informations et de l'édition et actuel rédacteur en chef du magazine [réformateur] Yanhuang Chunqiu.
Peu après le 1er janvier, ces personnalités âgées de 80 à 90 ans, réunies pour un repas, se sont naturellement mises à parler avec animation des affaires du pays, de cette année remplie d'embûches qu'allait être 2009 pour la Chine [du fait de la multiplication d'anniversaires politiquement sensibles], de l'impact qu'aurait la crise économique mondiale sur le pays, des analyses de la direction et des décisions prises pour y remédier.
Tout en approuvant ces dernières, tous, à l'évocation du plan de relance de 4 000 milliards de yuans, ont laissé voir une certaine inquiétude. Les contradictions et les problèmes étant assez nombreux en ce qui concerne la politique démocratique et le système politique, il était à craindre que l'administration ne fournisse des projets de façade, des projets politiquement rentables, et que certains n'en profitent pour détourner des fonds. Même si des mesures de lutte contre la corruption ont été prises, et des fonctionnaires sanctionnés, cette tendance a pris de l'ampleur, atteignant même les hauts cadres. Ils s'en sont tous émus, et sont tous tombés d'accord pour approuver fortement une phrase du Premier ministre Wen Jiabao lors d'une conférence réunissant le monde de l'économie à Zhongnanhai, le siège du pouvoir. "Plus les difficultés sont grandes, plus la démocratie est nécessaire, plus la transparence est nécessaire, plus le contrôle est nécessaire", avait-il déclaré. Sur cette base, ils se sont mis à rédiger leur lettre commune. De l'avis général, ces recommandations sont à la fois positives, constructives et réalisables.
Des propositions réalisables à court terme
Interrogé par Yazhou Zhoukan, Du Guang, ancien enseignant à l'Ecole du Parti et l'un des signataires, explique que "la décision d'un plan de relance pour sauver l'économie est bonne. Chacun s'inquiète quelque peu de savoir si l'argent va pouvoir arriver là où il est destiné et des mesures de contrôle prévues, et c'est pourquoi nous avons écrit cette lettre. Bien sûr, nous avons abordé d'autres questions, comme la liberté d'association, la nécessité de relâcher le contrôle sur les médias, toutes choses que le pouvoir a la possibilité de résoudre. A la différence de la Charte 08, rendue publique fin 2008, dont les propositions ne peuvent être toutes réalisées à court terme. Si le Comité central réfléchit bien, il verra que nos six recommandations sont réalisables, et nous espérons qu'elles seront prises en compte."
"Concilier le principe universel des droits de l'homme avec les particularités fondamentales de la Chine, garantir à l'ensemble des citoyens le droit à une égale participation et à un développement égal de façon à réaliser le mot d'ordre de Hu Jintao - 'placer l'homme au centre' - est une très bonne façon de voir", peut-on lire en préambule de cette lettre. "Gouverner pour le peuple, appliquer et protéger les droits garantis par la Constitution, voilà qui est juste. Compte tenu des conditions particulières à la Chine, les progrès ne peuvent être précipités, le Parti et l'Etat n'en ont pas la capacité, nous le savons. Mais il faut que vous éliminiez les interférences, en particulier celles créées par les groupes d'intérêt qui ne cessent d'oeuvrer en leur propre faveur, et que vous lanciez une nouvelle phase de réformes."
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