lundi 23 mars 2009

Climat : le ton monte entre Washington et Pékin - Julie Chauveau

Les Echos, no. 20389 - International, lundi, 23 mars 2009, p. 8

Les Américains évoquent l'idée d'une taxe aux frontières aux produits importés en provenance de pays n'ayant pas pris d'engagements de réduction des émissions de CO2. Refus cinglant des responsables chinois.

Alors que les négociations sur l'avenir du protocole de Kyoto doivent reprendre à Bonn le 29 mars prochain, le ton monte entre Chinois et Américains. Le projet du président Barack Obama de créer un marché du carbone pour les quelque 13.000 gros émetteurs de CO2 du pays et surtout de mettre 100 % de quotas aux enchères a provoqué une véritable levée de boucliers à l'intérieur du pays. Les industriels, qu'ils soient producteurs d'électricité ou chimistes, ont commencé à brandir des études sur le coût potentiel d'une telle mesure. Selon les chimistes, il pourrait être de 122 milliards de dollars dans les dix ans à venir.

Cette bronca des industriels a aussitôt été reprise par une partie des représentants au Sénat et à la Chambre des représentants. Parallèlement, le secrétaire d'Etat américain à l'Energie, Steven Chu, a affirmé devant le Congrès que les industriels américains seront « désavantagés », si Washington met en place un mécanisme limitant les émissions de CO2 des industriels et que d'autres pays ne prennent aucune mesure. « Une idée serait d'imposer une taxe aux frontières pour ceux qui ne prennent pas d'engagements de réduction de leurs émissions », a-t-il affirmé.

« Un désastre, une injustice »

La réponse chinoise ne s'est pas fait attendre. Présent la semaine dernière à Washington lors d'un colloque organisé par le « think tank » américain « Pew Center », le président du département chinois à l'Energie, Gao Li, a rétorqué que ce serait « un désastre, une injustice si les Etats-Unis imposaient des taxes à l'importation pour les produits chinois. Cela pourrait être le début d'une guerre commerciale ». Il considère que son pays est à « l'autre bout de la chaîne de responsabilités ». En clair : les Occidentaux émettent du CO2 depuis le début de la révolution industrielle, ils doivent en assumer les conséquences. Le responsable chinois a brandi un nouvel argument, exigeant que les émissions de CO2 liées aux produits fabriqués pour les consommateurs occidentaux leur soient imputées. « Nous fabriquons des produits qui sont consommés par les autres. Cette quote-part des émissions (15 à 20 % du total) doit être prise en compte par les consommateurs et non par les producteurs », a-t-il martelé. Gao Li était à Washington dans le cadre de la suite du processus de discussion dit des « grands émetteurs de CO2 » mis en place par le gouvernement Bush et que l'administration Obama a décidé de poursuivre. Selon un institut de recherche d'Oslo, un tiers des émissions chinoises sont liées aux produits exportés, dont 9 % pour les biens vendus aux Etats-Unis et 6 % pour l'Europe.

Cette guerre des tranchées autour de la manière de comptabiliser les émissions de CO2 montre que la question du financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement doit être mieux prise en compte dans les négociations internationales sur le changement climatique. Du côté européen, si on a chiffré l'aide nécessaire aux pays en développement entre 20 et 40 milliards d'euros par an, on se refuse pour l'instant à dire qui paierait et comment. Lors du Conseil européen qui s'est clôturé vendredi, la chancelière allemande, Angela Merkel, a insisté sur le rôle fondamental des Etats-Unis et la nécessité de « vérifier les intentions du président Barack Obama ». Le président de la Commission, José Manuel Barroso, considère que les Européens ne doivent pas prendre d'engagements sans savoir ce que feront les Etats-Unis et la Chine.

JULIE CHAUVEAU

PHOTO - A general view of a model of a power plant of solar energy at the 2009 China International Energy Saving, Emissions Reduction and New Energy Science & Technology Expo on March 21, 2009 in Beijing, China. / Getty Images

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