Comment les Etats-Unis voyaient le monde en 1999 et comment la Chine le voit dix ans plus tard
L'hebdomadaire The Economist de cette semaine consacre sa une à l'essor de l'Empire du Milieu. Après trois décennies de réformes, de libéralisme et de croissance économique, la Chine est devenue la troisième puissance commerciale mondiale, derrière le Japon et les Etats-Unis. Et sa voix ne passe plus inaperçue sur la scène internationale. Grâce à ses réserves financières, c'est elle aussi qui est désormais le premier créancier des Etats-Unis.
Par comparaison, il est intéressant de retourner à une autre couverture de The Economist, celle du 23 octobre 1999. Il y a dix ans, le magazine avait fait le portrait des Etats-Unis, alors superpuissance incontestée qui s'apprêtait à imposer son unilatéralisme au reste de la planète. Le monde a beaucoup changé... Après huit ans de présidence conservatrice, les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle ère.
Le regard que porte la Chine sur le monde fait l'objet d'un dessin sobre, mais très évocateur. Gratte-ciel, place Tiananmen, Palais impérial et pagode font face aux terres lointaines. Au-delà du Pacifique, les Chinois aperçoivent les Amériques: statue de la Liberté, sébile à la main, Wall Street craquelé comme par un tremblement de terre et immeubles saisis et liquidés en soldes. Le Canada est insignifiant. L'Amérique du Sud retient l'attention par ses matières premières. Plus loin, au-delà de l'Atlantique, les Chinois voient l'Europe comme un lieu de shopping de luxe et une Afrique riche en pétrole. Et, plus près d'eux, The Economist imagine un Japon tout petit, l'île de Taïwan où flotte un drapeau rouge aux étoiles dorées et une Australie sous influence asiatique.
Une telle perspective devrait réjouir la frange nationaliste chinoise! La superpuissance américaine est à genoux; et l'Europe et le Japon ne sont pas des rivaux sérieux, écrit l'éditorialiste de l'hebdomadaire britannique. Il fait remarquer que le premier ministre chinois Wen Jiabao ne dit plus que son pays est un «humble joueur» sur l'échiquier mondial, mais parle désormais de «grande puissance». Le journal note que la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton «repentie» s'est rendue récemment à Pékin où elle a affirmé que les questions des droits de l'homme ne devraient pas intervenir dans les relations bilatérales. Quant au Vieux Continent, la Chine vient d'annuler un sommet sino-européen, mesure de rétorsion contre la rencontre entre le dalaï-lama et Nicolas Sarkozy, alors que celui-ci était président de la Commission.
The Economist rappelle toutefois que la Chine pèche par de nombreuses faiblesses. Elle n'est pas épargnée par la crise: l'atelier du monde vient de supprimer 20 millions d'emplois. Sa croissance pour 2009 est estimée à 6,5% par la Banque mondiale. La démocratie ne progresse pas, et le pays connaît de plus en plus de contestation. Sur le plan international, sa présence au Soudan et ses liens avec l'Iran sont très critiquables. La Chine est considérée comme un pays qui protège ces régimes des sanctions internationales. Elle est le pays qui a plus profité de la mondialisation et peut encore se racheter une vertu en renflouant les caisses du FMI.
Dix ans plus tôt, donc, The Economist accordait le même traitement aux Etats-Unis. En couverture, une carte du monde où ils occupaient une place éminente, réduisant les autres continents à des proportions minimales. Nous sommes en 1999. La deuxième présidence Clinton arrive péniblement à sa fin. Les républicains imposent leur politique, et Washington est déjà lancé sur la voie de l'unilatéralisme. «Les Etats-Unis enjambent le monde tel un colosse. Ils dominent les affaires, le commerce et les communications; leur économie est la plus dynamique; leurs militaires incomparables. Mais, malgré cela, leur avenir est incertain. Devraient-ils agir seuls et sans consulter les autres sur la scène mondiale? Devraient-ils diluer leur puissance dans la coopération internationale?» se demande le magazine.
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts...
Durant deux mandats successifs du président George Bush, les conservateurs américains ont imposé l'unilatéralisme au monde. Ils ont commencé deux guerres et provoqué la pire crise depuis la Grande Dépression. Mais l'économie américaine est à genoux. Retournement de situation après une période de dix ans: Washington doit plaider auprès de Pékin et d'autres pays bien garnis en pétrodollars pour que ces derniers continuent à financer la dette américaine. Bref, The Economist de cette semaine, même s'il caricature la puissance chinoise, montre bien le changement de paradigme!
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2 commentaires:
Bonjour,
A quel adresse mail ou numéro de téléphone pourrais-je contacter le responsable de ce blog?
J'aimerais vous proposer un partenariat.
Frédéric Z
A quelle... désolé pour la faute de frappe.
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