lundi 16 mars 2009

La Chine s'inquiète des effets sociaux de la crise - Bruno Philip

Le Monde - International, samedi, 14 mars 2009, p. 6

Le premier ministre envisage de revoir à la hausse son plan de relance pour contenir la montée du chômage.

Dans sa traditionnelle conférence de presse de clôture de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP), à Pékin - seul rendez-vous d'ordre « politique » de l'année en Chine -, le premier ministre Wen Jiabao n'a pas caché, vendredi 13 mars, qu'il sera « difficile » d'empêcher l'économie de descendre en 2009 au-dessous de la barre fatidique des 8 % de croissance. Ce chiffre est considéré, tant par les économistes que le gouvernement, comme un seuil plancher pour maintenir le taux de chômage à un niveau raisonnable et faire reculer le spectre d'une explosion sociale.

Les indicateurs sont en effet dans le rouge. Selon les statistiques officielles, une vingtaine de millions de travailleurs migrants ont déjà perdu leur emploi depuis le début de la crise financière. Le département des douanes a annoncé, jeudi, que les exportations ont chuté de 25,7 % en février par rapport au même mois de l'année précédente.

Sur les 5,6 millions de nouveaux diplômés en 2008, 1,5 million d'étudiants n'ont pas trouvé d'emploi. Le pourcentage de personnes au chômage en milieu urbain pourrait s'élever en 2009 à 4,6 %, contre 4,2 % en 2008.

« Les gens sont très inquiets à propos de la capacité chinoise à atteindre l'objectif des 8 % de croissance cette année. J'admets que cela sera difficile », a reconnu M. Wen. C'est la première fois que le premier ministre chinois concède que les buts fixés par le gouvernement risquent de ne pas être atteints.

Sa remarque fait penser, comme l'ont avancé de nombreux experts financiers, que le plan de relance de plus de 580 milliards de dollars (environ 450 milliards d'euros), annoncé en novembre 2008, pourrait être revu à la hausse. Wen Jiabao en a envisagé la possibilité, durant sa conférence de presse : « Nous avons déjà des plans prêts pour faire face à des temps encore plus difficiles; (...) nous avons en réserves des munitions appropriées, ce qui veut dire qu'à n'importe quel moment nous pouvons introduire de nouvelles politiques de relance. »

Le chef du Conseil d'Etat (gouvernement) a par ailleurs reconnu qu'il était également préoccupé par les investissements chinois en bons du Trésor américain : « Nous avons prêté des sommes énormes d'argent aux Etats-Unis. Pour être honnête, je suis un peu inquiet et je voudrais demander aux Etats-Unis d'honorer leurs engagements, de rester une nation en qui on peut avoir confiance et de garantir la sécurité des liquidités chinoises. »

Forte de ses gigantesques réserves en devise (1 995 milliards de dollars), la Chine a choisi de financer la dette américaine en achetant pour 727 milliards de dollars en bons du Trésor, dépassant désormais le Japon qui n'en possède que 626 milliards.

Le premier ministre avait reconnu, fin 2008, que la crise aurait un impact plus fort que prévu en Chine même si Pékin avait initialement tenté d'en minimiser les conséquences. Wen Jiabao, une personnalité très populaire dans l'opinion publique, car il a su se forger l'image d'un homme politique proche du peuple a mis l'accent sur les questions sociales depuis le début de son tandem avec le président Hu Jintao.

« L'harmonie sociale » est devenue, depuis plusieurs années, le credo de MM. Hu et Wen, et l'impact de la crise économique rend encore plus cruciale la mise en oeuvre de ce slogan. Le régime chinois multiplie les effets d'annonce pour démontrer le soin qu'il apporte dans ses projets liés aux questions de santé, de retraites et d'éducation, particulièrement dans le monde rural.

Dans son discours d'ouverture, le 5 mars, de la session de printemps de l'ANP, et devant les 3 000 députés réunis - le Parlement chinois est une chambre d'enregistrement de décisions imposées du sommet -, le premier ministre avait annoncé que l'Etat insufflerait quelque 90 milliards d'euros cette année pour étendre le réseau du système éducatif et améliorer la couverture du remboursement des soins. Il avait précisé que le budget alloué aux campagnes augmenterait de 20 % cette année, tandis que les dépenses de sécurité sociale s'élèveraient à 17,6 % de plus par rapport à 2008.

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