L'enfer sur terre ! " Voilà, selon le dalaï-lama, ce que les Chinois ont apporté aux Tibétains depuis l'écrasement du soulèvement manqué de Lhassa, le 10 mars 1959. Dans un discours virulent prononcé, mardi 10 mars, à Dharamsala (Inde), devenue la " capitale " du gouvernement tibétain en exil, le prix Nobel de la paix 1989 a profité du cinquantième anniversaire de sa fuite du Tibet, pour réitérer ses dénonciations de la politique chinoise au Tibet.
Depuis un demi-siècle, a-t-il accusé, les campagnes de répression ont " plongé les Tibétains dans de tels abysses de souffrance et de détresse qu'ils ont littéralement connu l'expérience de l'enfer sur terre ". Il a ajouté qu'en cinquante ans, les Chinois se sont rendus responsables de " centaines de milliers de morts " au Tibet. A Pékin, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Ma Zhaoxu, a balayé, mardi, ces déclarations, affirmant ne pas vouloir " répondre à ces mensonges ".
Le chef de l'Eglise Tibétaine a, par ailleurs, justifié sa politique de la " voie moyenne ", consistant à demander à la Chine une " réelle autonomie " pour le Tibet. " Je n'ai aucun doute de voir la juste cause du Tibet triompher ", a-t-il conclu.
Le dalaï-lama a durci le ton à l'égard de la Chine depuis les émeutes qui ont éclaté en mars 2008 à Lhassa, où il n'a jamais remis les pieds depuis 1959.
Ce changement de ton s'explique par l'échec des discussions avec la partie chinoise. Aucun compromis n'a été trouvé entre les Tibétains de l'exil demandant l'autonomie et condamnant le " génocide culturel " et la " colonisation " de la Chine, et Pékin qui dénonce le " séparatisme " du dalaï-lama.
Ce dernier avait pris le chemin de l'exil le 17 mars 1959. Des dizaines de milliers d'habitants de Lhassa s'étaient alors soulevées contre l'ordre chinois qui occupe militairement la ville depuis 1951. Autour du Norbulingka, le palais d'été du 14e dalaï-lama, ils sont près de 300 000 à défendre le souverain.
Tout a commencé début mars 1959. Une rumeur se répand dans Lhassa sur le possible enlèvement du dalaï-lama par des officiers chinois lors d'un spectacle de danse organisé dans leur quartier militaire. Une foule en colère se rassemble autour de son palais d'été. Le 11 mars 1959, les membres du gouvernement tibétain se réunissent et proclament l'indépendance après avoir renié " un accord en 17 points " signé avec les Chinois après l'invasion de 1950. Les barricades sont érigées. Le dalaï-lama a 24 ans.
Dans une lettre au commandant chinois de la place de Lhassa, il s'est démarqué des guérilleros originaires de la province du Kham qui, depuis deux ans en province, font le coup de feu contre les troupes chinoises. Pour lui, il n'est pas question de soutenir l'idée d'une insurrection violente. Le 17 mars 1959, le choix s'impose pourtant : deux obus tombent dans le périmètre de son palais d'été. Le dalaï-lama s'enfuit en Inde, la loi martiale est déclarée et une répression d'une violence inouïe s'abat sur le " pays des neiges ".
Bruno Philip
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