mercredi 25 mars 2009

Le dalaï-lama n'est pas le bienvenu en Afrique du Sud, partenaire de la Chine

Le Monde - International, mercredi, 25 mars 2009, p. 6

Au bout du fil, le ton est sec. C'est la fin de journée, Ronnie Mamoepa est agacé. Une nouvelle fois, le porte-parole du ministère sud-africain des affaires étrangères doit justifier la décision de son pays, annoncée lundi 23 mars, de refuser un visa au dalaï-lama.

" Le monde entier a les yeux tournés vers l'Afrique du Sud et l'organisation l'an prochain de la Coupe du monde de football, nous ne voulons pas que le dalaï-lama vienne ici brouiller ce message avec la question sensible du Tibet ", explique-t-il. Quelques heures plus tôt, son homologue de la présidence, Thabo Masebe, avait été encore plus clair : " Une visite en ce moment ne serait pas dans notre intérêt. "

LUTTE CONTRE LE RACISME

En tant qu'ancien Prix Nobel de la paix, le chef spirituel du bouddhisme tibétain devait participer, vendredi prochain, à Johannesburg à une conférence sur le rôle du football dans la lutte contre le racisme et la xénophobie. L'Afrique du Sud ne compte que quelques milliers de fidèles sur une population de 48 millions d'habitants. Ils pèsent peu au regard des 7,5 milliards d'euros d'échanges commerciaux entre les deux pays en 2008, un chiffre en constante progression.

Ronnie Mamoepa répète que " l'Afrique du Sud, un pays souverain, a pris cette décision en toute indépendance ". Le 7 mars, à l'occasion du 50e anniversaire de l'insurrection tibétaine contre le joug chinois, M. Yang Jiechi, ministre des affaires étrangères chinois, avait appelé les pays étrangers à " ne pas autoriser de visites sur leur sol du dalaï-lama ".

Lors de la dernière visite du dalaï-lama en 1999, le président sud-africain d'alors, Thabo Mbeki, avait prétexté d'un problème d'emploi du temps pour se dispenser d'une rencontre en tête à tête avec le dignitaire religieux.

Cette année, le dalaï-lama ne sera pas le seul absent à la conférence. L'archevêque sud-africain Desmond Tutu, l'ancien président Frederik de Klerk, les représentants du comité du Nobel de la paix, ne se déplaceront pas, excepté si le gouvernement change d'avis.

L'Afrique du Sud " a honteusement succombé à la pression chinoise. (...) Cela me fait profondément de la peine ", a déclaré Mgr Tutu. L'image du pays risque d'en sortir ternie au niveau international à l'approche de la plus grande compétition sportive après les Jeux olympiques.

" Nos dirigeants n'ont pas retenu l'une des règles de base de la communication, estime Thomas Wheeler, chercheur à l'Institut sud-africain des affaires internationales, il était évident qu'en prenant cette décision, on allait davantage attirer l'attention que si on avait laissé venir le dalaï- lama. " Les autorités sud-africaines n'ont apparemment pas fait le même calcul coût-avantage.

Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)

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