Un ancien soldat qui avait participé à la répression du mouvement de la place Tiananmen et qui venait de mettre en ligne sur Internet une lettre ouverte au président Hu Jintao pour demander au régime de lever le tabou sur le massacre du 4 juin 1989 a été arrêté le 18 mars à son domicile de Tengzhou, dans le nord de la Chine.
Au lendemain d'un entretien exclusif accordé à l'agence Associated Press (AP) dans cette ville de la province du Shandong, Zhang Shijun a été convoqué par la police, qui lui a intimé l'ordre de cesser tout contact avec la presse étrangère. Le même jour, des policiers en armes sont venus l'arrêter chez lui en plein milieu de la nuit.
Dans l'interview accordée à AP, M. Zhang avait raconté sa vision des événements de la nuit du 3 au 4 juin 1989, quand l'armée passa à l'offensive dans les rues adjacentes de la place Tiananmen, que les étudiants continuaient d'occuper. Ce soldat d'une division motorisé était âgé de 18 ans à l'époque. S'il affirme que les hommes de son unité, dans laquelle il occupait les fonctions d'infirmier, ont tiré au-dessus de la tête des civils auxquels ils s'opposaient, il suggère que des " atrocités " ont été commises par l'armée.
Ecoeuré d'avoir participé à la répression, Zhang Shijun démissionna peu après. Mais en 1992, il fut arrêté sous prétexte de " crimes politiques " et se retrouva en camp de travail durant trois ans. Selon lui, le prix à payer pour avoir quitté son unité trop tôt après les événements.
La lettre ouverte envoyée au président Hu avait pour but d'inciter d'autres anciens militaires de raconter leur version de la répression du " printemps de Pékin ", au cours de laquelle des centaines, voire des milliers de personnes, auraient été tuées, notamment par les soldats des 27e et 38e armées. " La responsabilité n'est pas seulement celle de l'armée, estimait M. Zhang, c'est celle de tous les Chinois. "
REMARQUE PRÉMONITOIRE
Pour lui, comme pour d'autres dissidents, l'approche du XXe anniversaire de la tragédie devrait être l'occasion de faire la lumière sur les raisons du massacre et d'ouvrir une enquête. C'est exactement l'inverse qui se passe aujourd'hui, le pouvoir chinois montrant des signes croissant de nervosité à la veille de cette commémoration.
Devenu marchand d'arts et d'antiquité, il a regretté devant les journalistes d'AP que " la démocratie - en Chine - semble s'éloigner de plus en plus ". La remarque était prémonitoire : depuis l'arrestation, sa femme a déclaré être sans nouvelles de lui.
Bruno Philip (Pékin, correspondant)
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