jeudi 19 mars 2009

LITTÉRATURE - La chanson de geste des Fils du ciel

Le Figaro, no. 20104 - Le Figaro Littéraire, jeudi, 19 mars 2009, p. LIT7

LOUO KOUAN TCHONG - L'oeuvre maîtresse de cet écrivain chinois du XIVe siècle a inspiré le nouveau film de John Woo « Les Trois Royaumes » qui sort le 25 mars.

EN CHINE, c'est un livre que tout le monde connaît. Entre Pékin et Chengdu, ses héros - le généreux Lieou Pi, l'intègre Kouan Yu et le vaillant Tchang Fei -, sont aussi connus qu'Athos, Porthos et Aramis chez nous. Car, dès l'incipit, Les Trois Royaumes, c'est toute l'histoire de la Chine : « Ce qui fut longtemps divisé doit assurément, un jour, retrouver son unité. Et ce qui, longtemps, fut uni, doit un jour, se diviser à nouveau. » Depuis sa rédaction au XIVe siècle, ce roman qui tient à la fois de La Chanson de Roland et des Trois Mousquetaires a été commenté à l'infini.

Dans la Chine du président Hu Jintao, il est étudié à l'école et inspire les illustrateurs, les auteurs de bandes dessinées et créateurs de jeux vidéos. En France, c'est grâce aux Éditions Flammarion que le public averti a découvert les cent vingt chapitres de ce livre fondateur grâce à une traduction en sept volumes parue entre 1987 et 1991.

Le film de John Woo tiré des Trois Royaumes devrait apporter à ce monument un public nouveau, confirmant l'intérêt des lecteurs français pour la littérature chinoise classique qu'avait marqué le succès des deux volumes de Au bord de l'eau parus dans la Pléiade. Si l'attribution de cet autre chef-d'oeuvre reste contestée, certains spécialistes - dont les éditeurs de la Pléiade -, assurent que Louo Kouan Tchong y a mis la main.

Seigneur de guerre machiavélique

De cet écrivain qui s'est fait connaître sous la dynastie des Ming on ne sait presque rien, sinon qu'il a vécu entre 1330 et 1400 et qu'il a participé aux campagnes qui ont permis de mettre fin à la domination mongole des Yuan : ce qui était divisé a retrouvé son unité. Son expérience personnelle des armes, du morcellement du pays des Fils du ciel et de la dispersion des « Dix Mille Peuples de l'Empire » transparaît dans le récit qu'il fait des combats entre les royaumes de Shu, Wei et Wu pour la domination de la Chine au cours des années 184-280.

Comme tout grand romancier, Louo Kouan Tchong donne vie à des créatures d'encre et de papier qui font oublier leur modèle. Ainsi Ts'ao Ts'ao, terrifiant premier ministre du dernier empereur des Han et seigneur de guerre machiavélique qui n'a rien à envier au Richelieu d'Alexandre Dumas. Les trente premiers chapitres des Trois Royaumes aujourd'hui réédités en un tome emportent le lecteur dans une suite ensorcelante de coups de main et de stratagèmes, de retournements, d'ambassades, de trahisons, d'incendies, de massacres, de cavalcades, de conquêtes et de reconquêtes. Mais les Trois Royaumes, ce n'est pas L'Iliade, comme l'explique dans son introduction Jean Lévi, spécialiste du taoïsme et de la pensée stratégique dans la Chine ancienne. Ce n'est pas avec leur force que les héros Ts'ao Ts'ao, Lieou Pi et Souen Kien essayent de tout faire ployer, mais avec leur ruse. Et à aucun moment un de ces personnages ne manifeste à l'égard de son adversaire une pitié équivalente à celle d'Achille dans le dernier chant du poème grec, lorsqu'il consent à remettre le corps d'Hector à Priam. Louo Kouan Tchong ne regarde pas ses personnages avec la même tendresse qu'Homère. Ses héros sont moins humains, mais beaux comme des dieux.

Les trois royaumes, Tome 1 :

Lapaque, Sebastien

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2 commentaires:

arabia a dit…

j'adore "Balzac et la petite tailleuse chinoise" !
Vos photos sont bien léchées, trop bien même ! elles ont les défauts que vous reprochez aux écrivains que vous déglinguez. Comme quoi, on voit toujours mieux chez les autres les défauts que l'on a soi-même !
Cordialement
alainB

Pengyou a dit…

Hélas Alain, je n'ai pas le talent des journalistes dont je mets les articles en ligne. Ce blog est composé d'articles de journaux francophones traitant de la Chine. Je peux être d'accord ou non avec leurs auteurs. Et pour ce qui est de "Balzac et la petite tailleuse chinois", moi-même j'ai apprécié ce roman. Merci pour vos commentaires, pengyou.