mardi 10 mars 2009

Pékin boucle les régions tibétaines et en interdit l'accès aux étrangers

Le Monde - International, mardi, 10 mars 2009, p. 5

Le régime chinois n'a voulu prendre aucun risque. A l'approche de la date anniversaire du soulèvement antichinois de Lhassa, le 10 mars 1959 - qui a conduit le jeune dalaï-lama à prendre la fuite - d'importants renforts policiers et paramilitaires ont été envoyés au Tibet et dans les provinces voisines.

Les régions tibétaines sont entièrement bouclées. Les touristes sont interdits de voyage au Tibet, y compris dans les districts tibétains des provinces du Gansu et du Sichuan, où d'ordinaire aucune permission n'est exigée. Journalistes et étrangers sont proscrits dans les aéroports les plus proches quand ils tentent de traverser le maillage policier.

L'objectif est d'empêcher les Tibétains de profiter de cet anniversaire pour marquer une nouvelle fois leur hostilité au pouvoir chinois, comme certains l'avaient violemment fait savoir le 14 mars 2008 en s'en prenant, à Lhassa, aux boutiques et aux commerçants hans et huis - une ethnie musulmane. Des émeutes qui ont provoqué, selon les autorités, la mort de 21 personnes. Les organisations tibétaines estiment de leur côté que les forces chinoises ont tué près de 200 personnes sans compter les Tibétains victimes de la répression qui a suivi.

Les témoignages recueillis dans les régions tibétaines illustrent le climat de tension. La plupart des habitants ont refusé de fêter le nouvel an tibétain (losar) ce mois-ci, affirmant porter le deuil des victimes de la répression chinoise. Lundi 9 mars, une voiture de police et un camion de pompiers ont été les cibles d'engins explosifs artisanaux dans une région tibétaine de l'ouest de la Chine.

" FRAPPER PLUS DUREMENT "

Ces attaques sont survenues après un contrôle routier qui aurait dégénéré entre la police et des habitants de la préfecture autonome tibétaine de Golog, dans le sud de la province du Qinghai.

Selon l'organisation de défense des droits de l'homme International Campaign for Tibet, deux Tibétaines qui manifestaient leur soutien au dalaï-lama ont été arrêtées le 7 mars, à Kardze, une zone peuplée de Tibétains dans la province du Sichuan (sud-ouest de la Chine).

Dans le Quotidien du Tibet, le numéro un du Parti communiste pour la " région autonome ", Zhang Qingli, a prévenu : " Nous devons garder un oeil vigilant et, poings serrés, rester constamment en alerte. " Compte tenu de la présence policière, des manifestations de grande ampleur sont peu probables cette semaine. D'autant qu'elle coïncide à Pékin avec la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire - le Parlement.

Lors de l'ouverture de celle-ci, les responsables et les ministres n'ont cessé d'insister sur les dangers représentés par la " clique " du dalaï-lama. Ce dernier, a dénoncé le ministre chinois des affaires étrangères, Yang Jiechi, " insiste encore pour établir un soi-disant "Grand Tibet" sur un quart du territoire chinois ".

Cette affirmation illustre l'échec des pourparlers entre des envoyés du dalaï-lama et les Chinois. La partie tibétaine dit avoir renoncé à l'indépendance mais souhaiterait une entité unifiée. Une perspective dont Pékin ne veut pas entendre parler : " Le dalaï-lama ne veut peut-être pas de l'indépendance mais ce n'est pas le problème : nous ne voulons pas de ce "Grand Tibet" autonome qu'il réclame ", explique au Monde Shi Yinhong, professeur de relations internationales à l'université du peuple de Pékin. " Aujourd'hui, ajoute-t-il, les pays occidentaux ont accru leur pression sur la Chine à propos du Tibet. Nous avons donc décidé de frapper là-bas plus durement, plus fortement que nous ne l'avons jamais fait. "

Bruno Philip

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