vendredi 6 mars 2009

TOURISME - Hong Kong ou les secrets d'un archipel

Le Figaro, no. 20094 - Le Figaro Magazine, samedi, 7 mars 2009

Hongkong, ses gratte-ciel, sa densité de population record (51 000 habitants au km2 !) mais aussi sa pléiade d'îles aux plages désertes, petits restaurants de pêcheurs et parcs nationaux préservés. Au-delà de l'île de Hongkong, l'archipel du même nom recèle quantité de lieux secrets à découvrir.

L'endroit tient à conserver son originalité. Tai O remonte aux Tankas, ces pêcheurs de Hongkong arrivés au VIIIe siècle. Selon certaines croyances, ce peuple venu de Malaisie aurait été indigne de vivre sur la terre ferme. Situé sur la côte ouest de Lantau, entouré de montagnes, ce village traditionnel se distingue par des maisons sur pilotis les pieds dans l'eau. Lantau est une île aux deux visages. Celui d'un urbanisme débridé avec la création de Discovery Bay, une armée de condominiums, l'installation de l'aéroport international et l'ouverture d'un Disney World. Et celui d'une nature, protégée sur une bonne moitié de l'île, et rythmée de temples ou de monastères. A Tai O, près de la banque HSBC, se trouve la boutique de Yun Tan, le dernier fabricant de masques traditionnels de Hongkong. Les Tankas préservent tant bien que mal un mode de vie qui tend à disparaître. Un mystérieux incendie, survenu en 2000, détruisit un bon tiers des maisons serrées les unes contre les autres.

On a tendance à ne retenir du territoire de Hongkong que l'île du même nom, Manhattan asiatique qui détient le record mondial de la densité de population, près de 51 000 habitants au km2 ! Pourtant, Hongkong ne représente qu'une petite partie de l'archipel : 80 km2 sur une superficie totale de 1 100 km2 ; elle n'est que l'une des 235 îles serties dans la mer de Chine, et pourtant, l'on s'ingénie à confondre l'île avec un archipel ! Seul un tiers de ce territoire est habité, et 2 % de la population vit sur 20 % de la superficie totale. Comment percevoir que Hongkong offre îles appétissantes, parcs nationaux et plages désertes ? A l'ombre des gratte-ciel, la nature impose sa loi. Sur l'île inhospitalière cédée par la Chine à l'Angleterre en 1842, l'espace s'avère précieux, le prix du mètre carré est l'un des plus élevés du monde. Dans la ville des affaires, le temps vaut plus cher qu'ailleurs. A sa porte, un antidote absolu : les îles avoisinantes se maintiennent, elles, dans une sorte de torpeur quasi méditerranéenne. Des plages immaculées, des villages de pêcheurs presque inchangés, des vieilles femmes Hakkas en costume traditionnel et chapeau conique. D'un côté, des Hongkongais trop de leur temps et de l'autre, des îliens peut-être pas assez du leur...

Dans l'île de Lamma, havre hippie reconverti en cité-dortoir pour jeunes expatriés, il n'y a ni route ni voiture. Au choix : la marche ou le vélo. Un joli sentier longe des plages, franchit des collines pour relier les deux principaux villages : Yung Shue Wan et Sok Kwu Wan. C'est l'un des rares endroits où l'on célèbre comme il se doit le nouvel an chinois et la fête de Tin Hau, la déesse de la mer qui favorise une pêche fructueuse.

A trente minutes de Hongkong, Cheung Chau se présente comme un mouchoir de poche de 2,5 km2. Cela ne l'a pas empêché d'être le plus ancien repaire de pirates du territoire. Au XVIIIe siècle, les forbans arraisonnaient les navires qui se rendaient à Macao. Hongkong n'était alors qu'un entrepôt d'opium. Cette île, qu'aucun bateau n'approchait impunément jusque dans les années 20, ressemble à Mykonos, avec ses maisons alignées le long du quai. Les pêcheurs vivent encore sur des jonques. Leurs enfants vont à l'école en wallah-wallah, ces embarcations à moteur utiles pour rapporter les provisions du marché ou rendre visite aux amis. Chaque année, la population processionne pendant une semaine et distribue des offrandes à la mémoire des pirates, notamment celle de Cheung Po-Chai qui finança plusieurs temples dédiés à la déesse Tin Hau. La légende prétend que son trésor, enfoui dans une grotte, protège les habitants contre le mauvais sort. Celui qui avait formé une armada de 600 navires fut arrêté par les autorités chinoises et, pour la petite histoire, reçut le grade de capitaine dans la marine impériale. Comme quoi...

L'île de Tung Lung Chau semble flotter dans la péninsule de Clear Water Bay, dans les Nouveaux Territoires. Les ruines d'un fort du XVIIIe siècle attestent la volonté de Pékin de lutter alors contre la piraterie. La population clairsemée s'efforce de tenir à distance notre siècle.

Ici enfin, le temps ne compte plus

Comment ? Vous ne connaissez pas la péninsule Sai Kung située dans la région des Nouveaux Territoires ? De Hongkong, à peine une heure de route suffit pour gagner la péninsule où se déploient des paysages exubérants et les plages les plus secrètes. Un écrin de nature de 13 000 hectares dont 7 500 sont protégés. Depuis le village de Sai Kung, des pêcheurs vous emmènent sur des îles désertes.

Prononcez Long Ke Wan, Tai Long Sai Wan ou Tai Wan et, soudain, vous verrez les yeux du pêcheur briller. Ce sont des plages où il fait bon se prélasser. De rares envahisseurs en profitent pour pratiquer la marche à pied, le VTT, la voile ou le kayak. Récemment, Paul, un Anglais du Yorkshire, a rencontré un autre envahisseur, un Français : David Vincent, qui porte le même nom que le héros de la série télé. La péninsule de Sai Kung, livrée au silence et à la contemplation, est le bon endroit quand on veut perdre ses repères. «Je me suis retrouvé à Hongkong par hasard. Je voulais vivre à l'étranger. Je suis venu pour six mois et cela fait plus de deux ans que je suis ici. Pour tout le monde, Hongkong est perçu comme une destination urbaine ou la porte d'entrée de la Chine. C'est toutefois un endroit idéal pour pratiquer des activités de plein air», souligne David, serein. Discovery-Challenge, sa société fondée avec Paul, s'adresse aux entreprises comme aux particuliers en proposant une découverte de Sai Kung en VTT, kayak, à pied ou à la voile. Un collier d'îles pimente la péninsule où l'on vient déclarer sa flamme à sa bien-aimée. On se demande pourquoi aller chercher au bout du monde des confettis pour Robinson alors qu'ils existent si près de la Bourse de Hongkong.

Comment l'oublier ? Le plus grand Bouddha en bronze du monde protège Lantau : du haut de ses 34 mètres, il symbolise l'harmonie de l'homme et de la nature. Les fidèles entament l'ascension, s'inclinant toutes les deux marches - et il y en a 268. Ici, enfin, le temps ne compte plus. Tandis que le brouillard enveloppe peu à peu le Bouddha juché à 738 mètres d'altitude, un avion s'élève vers le ciel. L'intemporel et le temporel se font écho. Qui l'eût cru ? Hongkong laisse au voyageur sa part de fantaisie, c'est-à-dire sa part de mystère au voyage.

JONATHAN FARREN

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