jeudi 9 avril 2009

DOSSIER - Protectionnisme - Mille et une manières...

Le Monde diplomatique - Mars 2009, p. 19

Le protectionnisme ne se résume pas aux droits de douane, il prend d'autres formes :

- Quotas. Les importations sont limitées. Le cas le plus connu est celui du textile avec l'Accord multifibre (en vigueur jusqu'en 2005) qui plafonnait produit par produit et pays par pays les importations en Europe. Sa disparition s'est traduite par une flambée des importations chinoises - au détriment de celles en provenance de Tunisie et du Maroc... Jusqu'en mai 2008, l'Union européenne imposait des quotas pour l'acier ukrainien.

- Lois limitant les investissements des entreprises étrangères. La plupart des pays possèdent une législation protégeant les secteurs liés à la défense nationale, dont le champ s'est étendu, depuis le milieu des années 2000. Washington a interdit, en 2005, le rachat par le groupe chinois Cnooc de la compagnie pétrolière américaine Unocal et, en 2006, celui de P & O (qui détenait les ports de New York, Baltimore, Philadelphie) par une société de Dubaï.

- Normes sanitaires ou techniques. Il s'agit parfois de protéger le consommateur (interdiction du boeuf aux hormones en Europe). Souvent, ce sont leurs propres marchés que les Etats défendent, sous forme de normes sanitaires (au Japon, le mode de conservation des aliments bloque l'entrée de trois produits agricoles sur quatre), de normes techniques (télécommunications en Chine ou matériels électroniques aux Etats-Unis, etc.).

- Clauses de sauvegarde en situation d'urgence. Un pays estimant qu'une de ses productions est menacée peut prendre, pour une période donnée, des mesures de limitation d'importations soit en les interdisant, soit en les taxant fortement, comme l'Inde l'a décidé pour l'acier, fin 2008.

- Dédouanement. Obligation de produire des documents administratifs compliqués. Les procédures sont lourdes et les blocages en douane longs. En France, ce système a été mis en place pour réduire les importations de magnétoscopes japonais, dédouanés à Poitiers en 1982.

- Subventions aux producteurs. Les agricultures des pays riches sont très largement subventionnées, certaines industries également : Washington et Paris ont accordé des aides aux constructeurs automobiles installés sur leur territoire. Boeing et Airbus s'accusent mutuellement de recevoir des fonds publics (de 10 à 20 milliards d'euros entre 2000 et 2006).

- Subventions aux acheteurs. Il s'agit d'accorder des facilités financières (crédits bonifiés, par exemple) aux clients. Début 2009, la France a débloqué 5 milliards d'euros pour les (futurs) acheteurs d'Airbus.

- Dévaluation de la monnaie. Elle permet de vendre des biens moins chers (donc plus compétitifs) tandis que les produits importés deviennent plus chers (et donc moins concurrentiels). La Chine est accusée - à juste titre - de jouer sur sa monnaie, très nettement sous-évaluée. Washington a également laissé filer sa monnaie vers le bas, au détriment de l'euro.

- Dumping fiscal. Les gouvernements réduisent les impôts payés par les entreprises. Cela peut aller de taux zéro en Estonie à 12 % en Irlande, contre une moyenne de 28,6 % (en 2006) dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Sans oublier les paradis fiscaux par lesquels transitent les comptes de nombre de multinationales.

- Dumping social. Les gouvernements des pays riches réduisent ou suppriment des cotisations sociales ; ceux des pays pauvres ou émergents conservent des normes sociales très basses (dans les mines chinoises, par exemple).

PHOTO - Chongming Island / Éric Leu

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