lundi 27 avril 2009

A Paris, les Chinoises laissées sans protection

Libération, no. 8700 - France, lundi, 27 avril 2009, p. 16

Médecins du monde dénonce le sort de ces prostituées.

Elles viennent de Chine pour vendre du sexe sur les trottoirs parisiens. Sans papiers, isolées, exposées au trafic et aux maladies, ces migrantes forment un monde à part dans la prostitution. Pour répondre à leurs besoins spécifiques, Médecins du monde a lancé en 2004 la mission du Lotus Bus, une association partenaire du Syndicat du travail sexuel (Strass). L'équipe compte un médecin et deux animateurs sinophones pour 450 à 550 visiteuses réparties sur quatre sites de maraude. Le Lotus Bus a mené une enquête de cinq mois, publiée en février, auprès d'une centaine de ces femmes.

Gourbis.Médecins du monde tire aujourd'hui la sonnette d'alarme sur la situation de ces femmes. Originaires à 54 % des provinces industrielles du nord-est de la Chine ravagées par le chômage, 9 sur 10 ont laissé leurs enfants au pays. Leur moyenne d'âge est de 42 ans, et les deux tiers sont en France depuis moins de trois ans. On leur a fait miroiter un travail, une vie meilleure. Sans forcément subir la coupe d'un maquereau, elles font le tapin pour payer leur passage des frontières, autour de 10 000 euros. Et les petits boulots, quand elles en ont un, ne suffisent pas. Et puis, envoyer de l'argent aux proches sans permis de travail, sans même parler le français, c'est un tour de force. Elles étaient auparavant employées dans les ateliers clandestins de confection du nord-est parisien. Mais les descentes de police et les fermetures administratives ont mis à mal cette solution. Pour gagner vite et pas trop mal, elles se résignent à se prostituer aux prix les plus bas. Elles subissent la violence et la stigmatisation de la part de clients, de Chinois qui estiment qu'elles salissent leur réputation, et de prostituées, car elles cassent les prix. Les marchands de sommeil les entassent dans des gourbis, pour 150 euros par mois.

Racolage. Face au viol et au racket, pas de recours : la police n'est pas perçue comme une protection pour ces femmes qui ignorent souvent leurs droits. Elles ne peuvent ni lire les plaintes qu'elles déposent ni les PV qu'on leur dresse. La loi pour la sécurité intérieure (LSI) ne facilite pas le travail du Lotus Bus. Une arrestation pour racolage, c'est souvent l'expulsion. Trop de capotes dans les poches, c'est une preuve substantielle. Fournir les préservatifs, assurer l'information sanitaire et sociale, dépister le VIH et les maladies sexuellement transmissibles (plus du tiers avoue y être confronté, et 45 % de ces prostituées n'ont jamais été dépistées) devient complexe. Les filles se cachent, sont moins réceptives et craignent d'être repérées aux abords du bus par les flics en civil.

Suite à cette étude, Médecins du monde a mis l'accent sur le suivi gynécologique et la fourniture de contraceptifs. Mais, devant l'urgence sanitaire et sociale, l'ONG réclame l'abrogation de la LSI et la mise en place d'une offre de soins adaptée, avec des interprètes. Enfin, elle appelle à informer les policiers sur le rôle des associations d'aide et de prévention et, surtout, sur la «tolérance» dont ils doivent faire preuve quant à la possession de préservatifs.

M.D.B.

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