mardi 19 mai 2009

En Chine, Lula vient chercher des relais de croissance pour son pays - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20427 - International, mardi, 19 mai 2009, p. 8

La Chine est devenue en avril le premier partenaire commercial du Brésil devant les Etats-Unis. Le groupe pétrolier Petrobras espère obtenir un prêt d'au moins 10 milliards de dollars d'une banque d'Etat chinoise.

En avril, les deux pays ont échangé pour 3,2 milliards de dollars de marchandises.

Souffrant du ralentissement économique de ses habituels partenaires commerciaux américain et argentin, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva est arrivé hier à Pékin pour trouver, en Chine, des relais de croissance pour les entreprises de son pays qui se préparent à affronter une sévère récession en 2009. Les 200 hommes d'affaires de la délégation officielle vont essayer, pendant leurs trois jours de visite, de sécuriser de nouveaux contrats avec la Chine qui s'est imposée, pour la première fois, le mois dernier comme le premier partenaire commercial du Brésil.

En avril, les deux pays ont échangé pour 3,2 milliards de dollars de marchandises quand le commerce bilatéral entre les Etats-Unis et le Brésil se limitait à 2,8 milliards de dollars. Au cours des quatre premiers mois de 2009, les exportations brésiliennes vers la Chine, qui enregistre déjà un début de reprise économique, ont même augmenté de 65 % pour atteindre un montant total de 5,6 milliards de dollars.

Pour compenser l'actuelle frilosité des groupes occidentaux, les dirigeants brésiliens espèrent notamment convaincre leurs homologues d'investir plus dans leur pays et leur font miroiter un accès privilégié aux ressources naturelles dont la croissance chinoise a tant besoin. Depuis le mois de février, la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras, qui s'est lancée dans un plan d'investissement de 174 milliards de dollars sur cinq ans, tente ainsi d'obtenir un prêt de la China Development Bank, une banque publique finançant la plupart des grands projets énergétiques de Pékin à l'étranger. « Le prêt originel négocié portait sur 10 milliards de dollars, mais il semblerait qu'il puisse monter jusqu'à 15 milliards de dollars », expliquait hier soir Zhou Zhiwei, un chercheur de l'académie des Sciences sociales, à Pékin. En échange de ces crédits, le raffineur Sinopec pourrait se voir garantir des livraisons de 60.000 à 100.000 barils de brut par jour par Petrobras quand les autres géants chinois Petrochina, Unipec et Sinochem sécuriseraient, eux, entre 100.000 et 200.000 barils supplémentaires.

La signature d'un accord aussi spectaculaire ne manquerait pas de réjouir les deux capitales mais pourrait également alerter les experts brésiliens qui s'inquiètent déjà de la trop grande segmentation du commerce bilatéral avec la Chine. Alors que le Brésil achète des produits finis aux sociétés chinoises, plus de 70 % des exportations brésiliennes vers la Chine sont composés exclusivement de soja, de minerai d'acier et de pétrole. « Nous devons diversifier nos exportations vers la Chine et nous devons donner de la valeur ajoutée à nos marchandises », prévenait, il y a quelques jours, Welber Barral, le secrétaire brésilien au commerce extérieur.

Des échanges bilatéraux

Lors de ses entretiens, aujourd'hui, avec le président Hu Jintao, Luiz Inácio Lula da Silva devrait ainsi plaider pour une meilleure ouverture des marchés chinois aux producteurs de viande brésiliens qui ont vu leurs exportations vers la Chine s'écrouler de 85 millions de dollars en 2005 à 1,9 million de dollars l'an dernier. Il va également demander à Pékin d'acheter plus d'appareils de son constructeur aéronautique Embraer.

Afin de convaincre ses interlocuteurs, le président brésilien pourrait proposer, comme il l'a fait en février dernier, d'initier des échanges bilatéraux n'utilisant pas le dollar comme monnaie de référence. Selon le chef de l'Etat, les contrats facturés en yuan ou en real permettraient de réduire les coûts des transactions des importateurs mais également des exportateurs. Cette idée, très compliquée à mettre en pratique, devrait régaler Pékin qui a récemment lancé une violente campagne contre l'hégémonie du billet vert dans le commerce international.

YANN ROUSSEAU

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VOIR - Dernières images de Chine - Lula est à Pékin

4 commentaires:

Pascal a dit…

La Chine, contrairement au Brésil qui a déjà entériné un tel accord avec l'Argentine, se trouve dans un situation contradictoire.

En effet, si un tel accord devait voir le jour, le cours du dollar chuterais mécaniquement. Cette baisse se verrait amplifiée par le "risque" de voir d'autres pays prendre exemple.

Or, vous n'êtes pas sans savoir que les réserves chinoises libéllées en dollars sont les plus importantes du monde, déficit étatsunien oblige.

Par conséquent, une chute du dollar face à l'Euroe où, pourquoi pas, face au Yuan, signifierait une immense perte pour Pékin.

Cela nécessiterait aussi un découplage express de sa monnaie d'avec le dollar ce qui n'est pas nécessairement dans l'intérêt de Beijijng.

Le jeu en vaut-il la chandelle pour les chinois ? Je ne pas pas pour l'instant. Par contre, lorsqu'ils auront redirigé leur économie vers la consommation interne et réduit leur dépendance à l'exportantion, alors cela sera envisageable.

Pengyou a dit…

La Chine a un peu moins de 2000 milliards de dollars de réserves de change. Ces 10 milliards sollicités par le Brésil ne me semblent pas suffisants pour faire chuter le dollar. En revanche, depuis quelques mois, la Chine prête à des compagnies qui lui avaient refusé toute aide auparavant. La nouvelle situation place les Chinois dans une meilleure position pour négocier face à ses partenaires commerciaux, mais aussi face aux Américains. En se servant de ses réserves de change, Pékin, sans pour autant tout dépenser (parce que les Chinois possèdent aussi des bons du trésor non-utilisables avant une longue échéance et parce que la chute du dollar serait - comme vous le dites - "une immense perte") fait pression sur Washington tout en faisant son marché... si j'ai bien compris.

Anonyme a dit…

si ce que tu dis est vrai, la chine devrait accepter ce prêt, non ?

Pengyou a dit…

La Chine acceptera si ça en vaut la peine. Mais, oui, je le pense.