mercredi 6 mai 2009

LE MOT CHINOIS - Shemian : Amnistie

Courrier international, no. 940 - Asie, vendredi, 7 novembre 2008, p. 36

Accorder le pardon à certains condamnés est une tradition ancienne, que la Chine populaire n'ignore pas. La dernière amnistie d'ampleur remonte à 1975, quand la Chine avait relâché la totalité des criminels de guerre encore en prison.

Pour ceux qui gouvernent, il est profitable d'émettre un tel signal de clémence. Mais il s'agit d'une prérogative du pouvoir à laquelle on ne peut faire appel sans conséquences. En février 1989, quelques dizaines d'intellectuels et d'artistes avaient adressé à Deng Xiaoping une pétition réclamant l'amnistie pour tous les prisonniers politiques. Transgressant l'exclusivité du monopole d'Etat, la pétition avait initié un processus d'émancipation politique qui fut réprimé par une répression sanglante [en juin 1989].

Aujourd'hui, une nouvelle pétition demande l'amnistie pour Yang Jia, meurtrier de six policiers condamné à mort. De nombreux internautes avaient salué son acte criminel comme la révolte courageuse d'un héros, personnifiant la "légitime défense" des citoyens exaspérés par l'usage abusif de la force par la police. Une amnistie octroyée à Yang Jia pourrait constituer un symbole fort de la clémence du pouvoir actuel. Mais elle se heurte, de nouveau, à la question du monopole.

Pourtant, en dix-neuf ans, la société chinoise a évolué. La pétition en faveur de Yang Jia ne s'adresse plus uniquement au pouvoir monopolistique de l'Etat chinois, elle se situe dans une perspective internationale. Elle demande, au-delà de l'amnistie d'un meurtrier, l'abolition de la peine de mort. Elle ne se borne pas à réclamer la clémence, mais met l'accent sur la limitation des pouvoirs par un Etat de droit. Cette pétition constitue un défi autrement plus embarrassant pour les gouvernants de Pékin.

Chen Yan
(Paris)

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